Thérapie génique dans la bêta-thalassémie : le besoin transfusionnel éliminé ou réduit de 73 %

Par
Publié le 19/04/2018

Les résultats avaient été présentés lors du 59Congrès de la société américaine d'hématologie en décembre dernier. Ils sont publiés ce jour dans le « New England Journal of Medicine ». Deux essais de phase 1/2 confirment la sécurité et l’efficacité de la thérapie génique pour la bêta-thalassémie. Une autogreffe de cellules modifiées ex vivo par le vecteur LentiGlobine a éliminé ou réduit de 73 % le besoin transfusionnel chez 22 patients atteints de bêta-thalassémie majeure.

Des résultats remarquables

« Nous avons obtenu des résultats remarquables en employant la thérapie génique LentiGlobine, avec la plupart des patients n’ayant plus besoin de transfusions », souligne dans un communiqué le Dr Alexis Thompson (Ann & Robert H. Lurie Children's Hospital of Chicago), première signataire de l’étude et présidente de la Société américaine d’hématologie. Il nous faut évaluer l’efficacité dans une population plus large. Nous recrutons maintenant des patients aussi jeunes que 5 ans dans un essai de phase 3 de thérapie génique pour la thalassémie transfusion-dépendante. »

La bêta-thalassémie, causée par plus de 200 mutations du gène de la bêta-globine, est l’une des maladies monogéniques les plus fréquentes. Transmise de façon autosomique récessive, elle se traduit par une anémie plus ou moins sévère. Dans sa forme majeure, la bêta-thalassémie nécessite des transfusions mensuelles de concentrés d’hématies et un traitement chélateur du fer précoce et régulier pour prévenir la morbidité due aux dépôts de fer causés par ces transfusions.

Le traitement curatif qui repose sur une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques nécessite un donneur compatible dans la fratrie, ce qui n’est possible que dans un quart des cas avec des risques de complications infectieuses et de maladie du greffon contre l’hôte.

Quatre patients traités à l’hôpital Necker-Enfants malades à Paris

« Après la preuve de principe thérapeutique que nous avons obtenue chez un patient thalassémique (Nature 2010, Cavazzana et coll.) et un patient drépanocytaire (NEJM 2017, Ribeil et coll.), nous publions maintenant les résultats intermédiaires d'essais multicentriques de phase 2 avec le même vecteur LentiGlobine, explique au « Quotidien » le Pr Philippe Leboulch qui a développé le vecteur lentiviral thérapeutique à l’université d’Harvard (Boston) et au CEA de Fontenay-aux-Roses, en collaboration avec la société américaine bluebird bio (Boston) dont il est le cofondateur. « Ces essais de phase 1/2 menés chez 22 patients atteints de thalassémie majeure transfusion-dépendante confirment la consistance et la magnitude de l’efficacité thérapeutique de notre vecteur chez de nombreux patients », poursuit-il.

L’essai HGB-204 a été mené aux États-Unis (n = 14), en Australie (n = 2) et en Thaïlande (n = 2), et l’essai HGB-205 porte sur 4 patients traités à l’Hôpital Necker-Enfants malades à Paris sous la direction du Pr Marina Cavazzana. Les chercheurs ont prélevé des cellules souches sanguines chez les 22 patients âgés de 5 à 35 ans. Ils les ont modifiées ex vivo à l’aide du vecteur LentiGlobine BB305 (similaire au vecteur HPV569) pour leur apporter un gène sain substitutif, puis ont infusé de nouveau ces cellules aux patients conditionnés au préalable par un traitement myéloabatif (busulfan). Cette autogreffe de cellules souches thérapeutiques a ainsi produit des globules rouges contenant de l’hémoglobine saine. Après une seule thérapie et un suivi moyen de 2 ans (1 à 3 ans), 12 des 13 patients ayant une forme moins sévère liée au génotype non-bêta0/bêta0 n’ont plus besoin de transfusions et mènent une vie normale avec des taux d'hémoglobine normaux ou s’en approchant.

Forme la plus sévère

Parmi les 9 patients ayant la forme la plus sévère (liée au génotype bêta0/bêta0 ou à deux copies de la mutation IVS1-110), 3 patients ne nécessitent plus de transfusions et les 6 autres ont réduit leurs besoins transfusionnels de 73 %. La vie de ces patients a radicalement changé. Ces patients continueront d’être suivis pendant 13 ans dans le cadre des essais HGB-204 et HGB-205. Aucun risque sécuritaire n’est signalé jusqu’ici.

« Il y a encore place à l’amélioration, car nous aimerions éliminer la dépendance aux transfusions même pour les patients atteints de la forme la plus sévère de la maladie ; il y a de l'espoir avec les modifications du protocole que nous avons introduites dans nos essais de phase 3 », indique le Pr Leboulch. Des essais de phase 3 internationaux sont en cours et devraient être bientôt terminés. Nous espérons obtenir l'approbation du produit dans quelques mois, d’abord en Europe pour la thalassémie transfusion-dépendante non-beta0. »

« NEJM » 19 avril 2018, A.A. Thompson et coll.

Dr Veronique Nguyen

Source : lequotidiendumedecin.fr