Une option dans les pays en développement

Traiter le HSV2 freinerait un peu le VIH

Publié le 23/07/2010
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ALORS QUE le seuil des CD4 pour donner des antirétroviraux dans l’infection à VIH vient d’être modifié, passant de CD4 < 200/µL à < 350/µL, les pays pauvres pourront, encore moins qu’avant, assurer la prise en charge optimale des sujets séropositifs. Grâce au soutien de la fondation Bill et Melinda Gates, une étude menée dans le sud et l’est de l’Afrique vient de montrer que traiter l’herpès par aciclovir permet de ralentir de 16 % l’évolution de l’infection à VIH chez des sujets co-infectés non traités par antirétroviraux. « Seul un tiers des gens séropositifs pour lesquels une thérapie antirétrovirale est indiquée sont traités, expliquent les auteurs de l’étude. La population nécessitant un traitement va continuer à croître, en dépit des contraintes liées aux stratégies antirétrovirales et aux ressources disponibles. » Si l’effet de l’aciclovir semble modeste, son intérêt mérite d’être précisé dans la prise en charge des séropositifs non éligibles aux antirétroviraux.

Quatorze sites en Afrique.

Dans cette étude multicentrique menée sur 14 sites dans le sud et l’est de l’Afrique, plus de 3 300 sujets hétérosexuels co-infectés par le VIH-1 et l’HSV2 ont été randomisés en double aveugle pour recevoir soit de l’aciclovir 400 mg deux fois par jour, soit un placebo. Les participants éligibles présentaient un taux de CD4 ≥ 250/µL et ne recevant pas d’antirétroviraux. Le suivi était réalisé sur plus de vingt-quatre mois. La progression de la maladie était mesurée à l’aide d’un critère composite comportant : premier épisode d’un taux de CD4 passant en dessous de 200/µL, première prescription d’antirétroviraux ou décès non lié à un traumatisme.

Le taux de CD4 moyen était de 462/µL à l’inclusion et la charge virale était de 4,1 log10 copies/µL. Le taux moyen de CD4 pour lequel les antirétroviraux étaient débutés était de 195/µL, avec 34 % de sujets ayant un taux compris entre 200 et 350/µL et 11 % pour un taux › 350µL.

Un « package » en prophylaxie.

Dans le groupe aciclovir, les chercheurs ont constaté qu’il y avait 16 % de moins de participants présentant une évolution de la maladie selon le critère composite, soit 284 sujets dans le groupe aciclovir et 324 dans le groupe placebo. Sur les 608 critères composites recensés, 425 (70 %) présentaient un taux de CD4 < 200/µL, 129 (21 %) étaient une prescription initiale d’antirétroviraux et 54 (9 %) étaient des décès d’origine non traumatique. Une analyse séparée des critères composites montre que l’aciclovir diminue la progression de la maladie de 17 -24 %. Chez les individus ayant un taux de CD4 ≥ 350/µL à l’inclusion, le traitement antiviral a retardé de 19 % la chute en dessous de 350/µL.

La séroprévalence de l’HSV-2 est de l’ordre de 70 à 90 % chez les séropositifs pour le VIH-1. Si la réactivation herpétique est le plus souvent asymptomatique chez les sujets VIH-1, elle accélérerait la réplication du VIH-1, puisque les concentrations génitales et plasmatiques sont augmentées. Comme le suggèrent des médecins belges dans un éditorial, « cette prophylaxie pourrait faire partie d’un "package" proposé en Afrique subsaharienne aux patients dépistés et non traités d’emblée par antirétroviraux ». Dans cette partie du globe en effet, de nombreux individus séropositifs sont perdus de vus après le dépistage, puis récupérés une fois la maladie très avancée. Ce « package » pourrait comprendre une prophylaxie par cotrimoxazole et isoniazide, des contrôles réguliers du taux de CD4, des médicaments antihelminthiques, des multivitamines et des insecticides antipalustres. Un tel programme permettrait de mettre en place un suivi, de ralentir l’évolution de l’infection et de commencer les antirétroviraux avant le stade d’immunodépression sévère.

The Lancet, publication en ligne du 15 février 2010.

 Dr IRÈNE DROGOU

Source : Le Quotidien du Médecin: 8709