Tuberculose : même sous le seuil de résistance, une CMI élevée est un facteur de risque de rechute

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Publié le 30/08/2018
TUBERCULOSE

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Crédit photo : PHANIE

Le seuil de résistance de la concentration minimale d'inhibition (CMI ou MIC) des antibiotiques n'est pas aussi absolu qu'espéré dans la tuberculose. C'est ce à quoi concluent des infectiologues de la Rutgers-New Jersey Medical School dans une étude académique soutenue par les Instituts nationaux de la santé américains (NIH) et publiée dans le « New England Journal of Medicine ».

Ce pourrait être l'une des raisons aux échecs de traitement de la maladie due au bacille de Koch. Environ 5 % des patients ayant une tuberculose antibiosensible ont une rechute après un traitement de 6 mois, et 20 % après un traitement court de 4 mois.

Une influence sur le traitement

D'après les données de la cohorte Tuberculosis Trials Consortium Study 22, l'équipe de Roberto Colangeli montre, pour l'isoniazide et la rifampicine, que le risque de rechute de l'infection à Mycobacterium tuberculosis est plus élevé avec des CMI élevées qu'avec des CMI basses. Autrement dit, le niveau de sensibilité, même en dessous du seuil de résistance, a une influence sur le succès du traitement.

Un spectre quantitatif plutôt qu'une réalité binaire

Dans un éditorial intitulé « Of MICSs and Men » en clin d'œil au roman de John Steinbeck « Of Mice and Men », le Dr Eric Rubin, infectiologue chercheur spécialisé dans la tuberculose à l'école de santé publique de Harvard, la Harvard T.H. Chan School of Public Health, explique : « Pour simplifier la prise de décision, nous réduisons les valeurs à une description binaire, comme étant au-dessus ou en dessous de la normale ou à l'extérieur d'un certain quartile. (...). Mais, comme Colangeli et coll. le rapportent dans le "Journal", la simplification peut induire en erreur, en particulier quand il s'agit du traitement de la tuberculose. »

De possibles applications cliniques

Pour les auteurs, ces résultats suggèrent que la CMI pourrait être utilisée pour sélectionner les patients candidats à un traitement plus court et identifier ceux à risque élevé de rechute. Pour ces derniers, ils estiment néanmoins que « d'autres études sont nécessaires pour déterminer la durée idéale de traitement », même si « plus de 6 mois semble légitime dans ce groupe », poursuivent-ils.

Un changement de mentalité

Comment de petites différences dans l'antibiosensibilité peuvent-elles se traduire par des évolutions aussi différentes ? La question est posée par l'éditorialiste, pour qui la séquestration de bacilles au sein de lésions est une explication possible. La pénétration antibiotique est réduite et « de petites différences de concentration peuvent faire de grandes différences en efficacité », écrit-il tout en rappelant le rôle du microenvironnement local de l'hôte.

Pour le spécialiste, les CMI « doivent être appréhendées davantage comme des probabilités de succès de traitement que comme des seuils absolus, un changement d'attitude qui pourrait dissiper un faux sentiment de sécurité dans le choix du traitement des patients ayant une tuberculose ».


Source : lequotidiendumedecin.fr