Une molécule découverte chez le requin ouvre la voie à un traitement de la maladie de Parkinson

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Publié le 18/01/2017
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Crédit photo : PHANIE

La squalamine, synthétisée après sa découverte chez le requin, n’a pas fini de surprendre. Une équipe internationale révèle qu’elle pourrait offrir une thérapie potentielle contre la maladie de Parkinson. Elle supprime l’agrégation et la toxicité de l’alpha-synucléine in vitro et chez le ver. Un essai clinique est en vue.

Seigneur des océans depuis plus de 450 millions d’années, le requin résiste remarquablement aux infections malgré son système immunitaire très « primitif ». À la recherche de facteurs protecteurs chez un petit requin commun appelé Squalus acanthias, le Pr Michael Zasloff découvre en 1993 un puissant antimicrobien qu’il nomme squalamine ; cet aminostérol est produit dans le foie du requin puis délivré dans son intestin.
La squalamine a depuis été synthétisée en laboratoire. Elle se montre prometteuse non seulement pour ses propriétés anti-infectieuses – contre les bactéries, virus, parasites, et fungi – mais aussi pour son activité anti-angiogénique actuellement évaluée dans des essais cliniques pour traiter certains cancers et la dégénérescence maculaire.

Contrer l’agrégation toxique de l’alpha-synucléine

Dans la revue « Proceedings of the National Academy of Sciences », une équipe de chercheurs américains (dont le Pr Zasloff), britanniques, italiens, espagnol et hollandais dévoile une autre activité prometteuse de la squalamine : contrer l’agrégation toxique de l’alpha-synucléine dans la maladie de Parkinson.

Une réduction de la toxicité des agrégats d’alpha-synucléine

On savait la squalamine capable de pénétrer dans les cellules. Chargée positivement (stéroïde cationique), elle se fixe sur les membranes chargées négativement, et éjecte ainsi les protéines (chargées positivement) fixées à la surface des membranes. Dans les neurones, l’alpha-synucléine se fixe aux membranes négativement chargées des vésicules synaptiques, aidant ainsi à transférer les neurotransmetteurs d’un neurone à l’autre. Les équipes du Pr Dobson (Cambridge, Royaume-Uni) et du Dr Bax (NIH, Etats-Unis) ont montré récemment que la formation des agrégats d’alpha-synucléine dans la maladie de Parkinson est favorisée par leur fixation aux membranes négativement chargées.

Zasloff, Dobson et Bax ont donc examiné si la squalamine pourrait interférer dans cette formation et ont montré in vitro qu'elle supprime les premières étapes de l’agrégation d’alpha-synucléine en déplaçant la protéine des membranes lipidiques. Leurs travaux révèlent aussi, en utilisant un modèle cellulaire (cellules de neuroblastome humain) et un modèle animal de la maladie de Parkinson (le ver C. elegans qui surexprime l’alpha-synucléine), que la squalamine réduit considérablement la toxicité des agrégats d’alpha-synucléine. Le ver ne développe pour ainsi dire plus d’agrégats ni de paralysie musculaire.

La maladie de Parkinson débute dans l’intestin 

Un essai clinique multicentrique américain est prévu pour 2017. « Nous évaluerons les effets de la squalamine orale sur les fonctions gastro-intestinales des patients parkinsoniens », précise le Pr Zasloff. « La plupart des patients souffrent de constipation sévère et de ralentissement de la vidange gastrique, du fait de l’accumulation d’alpha-synucléine dans le système nerveux de l’intestin qui interfère avec son fonctionnement normal. Nous pensons que la squalamine orale restaurera la fonction intestinale. Mais il pourrait y avoir un autre effet bénéfique potentiel. Bon nombre d’entre nous pensons maintenant que la maladie de Parkinson débute en fait dans l’intestin », explique-t-il. « Nous pensons aussi que les agrégats formés dans le système nerveux de l’intestin peuvent aller au cerveau, via le nerf vague par exemple. Par conséquent, il est possible qu’en ralentissant l’agrégation d’alpha-synucléine dans le système nerveux intestinal, nous puissions affecter directement les évènements qui surviennent dans le cerveau », suggère-t-il.
En attendant, prévient le Pr Zasloff, il serait futile de recourir aux extraits tissulaires de requin. « La seule source fiable de squalamine est la forme synthétique qui peut être administrée en quantité suffisante pour exercer un effet bénéfique », conclut-il.

Proceedings of the National Academy of Sciences, 17 janvier 2017, Perni et coll.

Dr Véronique Nguyen

Source : lequotidiendumedecin.fr