Aux voix qui se sont élevées depuis le début de la pandémie pour appeler à investir dans la préparation aux futures crises sanitaires s’ajoute celle d’un panel d’épidémiologistes, d’économistes, d’écologistes et de biologistes. Dans « Science Advances », ces chercheurs plaident pour un investissement dans la prévention des menaces zoonotiques émergentes, source d’économies de long terme au vu des montants toujours plus importants consacrés à lutter contre les pandémies. Surveillance des agents pathogènes, contrôle du commerce des espèces sauvages et lutte contre la déforestation, tels sont les trois leviers d'action.
Ces chercheurs pointent ainsi une lacune des discours internationaux officiels, citant notamment le rapport « World in Disorder » (septembre 2020) du « Global Preparedness Monitoring Board », une initiative conjointe de la Banque mondiale et de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) chargé d’assurer « la préparation aux crises sanitaires mondiales ». Ce document concentre un plaidoyer pour améliorer la sécurité sanitaire mondiale sur les vaccins, les produits pharmaceutiques et les tests de diagnostic, déplorent les auteurs, exprimant leur perplexité face à l’absence de mesures de prévention plus précoces.
« Si le Covid-19 nous a appris quelque chose, c'est que les tests, les traitements et les vaccins peuvent prévenir les décès, mais ils n'arrêtent pas la propagation des virus à travers le monde et pourraient ne jamais empêcher l'émergence de nouveaux agents pathogènes. Alors que nous nous tournons vers l'avenir, nous ne pouvons absolument pas compter uniquement sur des stratégies post-débordement pour nous protéger », résume, dans un communiqué, le Dr Aaron Bernstein du « Center for Climate, Health and the Global Environment » de l’école de santé publique de Harvard, premier auteur.
Éviter une zoonose coûte moins cher que de lutter contre une pandémie
En complément des stratégies actuelles, trois mesures de « prévention primaire » pourraient pourtant permettre de lutter contre les zoonoses émergentes, estiment les auteurs : un renforcement de la surveillance des agents pathogènes, une meilleure gestion du commerce des espèces sauvages et une réduction substantielle de la déforestation. Les bénéfices de cette approche excéderaient la seule anticipation de futures crises sanitaires, avec des retombées environnementales notamment, mais surtout leur coût se révèle bien inférieur à celui d’une pandémie.
Les chercheurs ont en effet comparé les coûts de la prévention primaire d'une zoonose à ceux nécessaires pour contrôler une pandémie. Leur calcul s’est appuyé sur les données de chaque nouvelle zoonose virale apparue depuis 1918 qui a tué au moins 10 personnes (les calculs sont présentés avec ou sans la grippe espagnole). Il en ressort que 3,3 millions de décès annuels sont liés aux maladies zoonotiques virales, représentant une valeur estimée à un minimum de 350 milliards de dollars, auxquels s’ajoutent 212 milliards de dollars supplémentaires en pertes économiques directes.
Ainsi, la prévention primaire, évaluée à environ 20 milliards de dollars, représente moins de 5 % de la valeur estimée des vies perdues chaque année à cause des maladies infectieuses émergentes et moins de 10 % des coûts économiques. « Les actions primaires de prévention de la pandémie sont remarquablement peu coûteuses par rapport aux nombreuses vies que prennent les zoonoses virales émergentes ou aux dommages économiques directs qu'elles causent », concluent les auteurs. Et d’insister : « La distinction entre la prévention primaire et les actions entreprises après l'émergence n'est pas sémantique. Le premier crée un large éventail d'avantages, tandis que le second tend à affecter une seule maladie. »
Lutter contre la déforestation, pierre angulaire de la prévention primaire
Concrètement, leurs recommandations portent sur trois cibles. Il s’agit d’abord de déployer à l’échelle internationale une meilleure surveillance de la propagation des agents pathogènes et d’assurer le développement de bases de données mondiales sur la génomique et la sérologie des virus. Ensuite, le contrôle et la surveillance « inadéquats » du commerce des espèces sauvages doivent être renforcés, notamment via un renforcement des moyens alloués à la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES) et à l'Organisation mondiale de la santé animale.
Enfin, la réduction de la déforestation, qui « met les populations en contact avec les animaux », notamment dans la forêt amazonienne, doit être « la pierre angulaire de la prévention primaire des pandémies », jugent les auteurs, selon lesquels les stratégies qui permettront de réduire de moitié le risque d'épidémie « sauveraient 1,6 million de vies par an et réduiraient les coûts de mortalité de 10 000 milliards de dollars ».
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