Lors d'une intervention chirurgicale « unique en son genre », selon un communiqué de l’école de médecine de l’université du Maryland (États-Unis) où elle a été réalisée, un patient âgé de 57 ans et atteint d'une maladie cardiaque en phase terminale a reçu avec succès une greffe d'un cœur de porc génétiquement modifié. « C'était soit la mort, soit cette greffe. Je veux vivre. Je sais que c'est assez hasardeux, mais c'était ma dernière option », a déclaré le patient la veille de l’intervention, alors qu’il avait été déclaré inéligible à une greffe humaine.
Approuvée par la Food and Drug Administration (FDA) le soir du réveillon du Nouvel An, la xénotransplantation a eu lieu le 7 janvier. Des images de l'intervention ont été mises en ligne sur YouTube. Le patient « sera étroitement surveillé au cours des prochains jours et semaines pour déterminer si la greffe offre des avantages vitaux », précise l’université. Le Dr Bartley Griffith, le chirurgien qui a réalisé la transplantation, vante une « avancée chirurgicale majeure », qui « nous rapproche encore un peu plus d'une solution à la pénurie d'organes ».
Un porc aux 10 mutations génétiques
La xénotransplantation s’est appuyée sur un porc génétiquement modifié développé par l'entreprise Revivicor, déjà à l’origine de l’animal qui avait fourni un rein connecté avec succès aux vaisseaux sanguins d'un patient en état de mort cérébrale à New York en octobre. Les anticorps humains « réagissent à un antigène sucré, connu sous le nom d’alpha-gal, présent à la surface des cellules porcines et entraînant une réponse violente et quasiment immédiate de rejet hyperaigu du greffon », expliquait alors au « Quotidien » le Pr Gilles Blancho.
Pour cette nouvelle tentative, trois gènes responsables du rejet rapide ont été mis « KO » (invalidés) chez le porc donneur. Un autre gène a été éliminé pour empêcher une croissance excessive du tissu cardiaque du porc. Et six gènes humains responsables de l'acceptation immunitaire du cœur de porc ont été insérés dans le génome. Au total, « 10 modifications génétiques uniques ont été effectuées chez le porc donneur », résume l’université.
En parallèle, un médicament expérimental de l'entreprise Kiniksa Pharmaceuticals a été utilisé, en plus des médicaments anti-rejet habituels, pour « inhiber le système immunitaire et empêcher le corps de rejeter l'organe étranger », explique le communiqué. Mais « bien que la fonction précoce du cœur soit vitale, c'est le moyen et long terme qui compte le plus, explique le Dr Francis Wells, chirurgien cardiaque à l'hôpital Royal Papworth (Royaume-Uni), sur « Science Media Centre ». Il n'y a pas encore de données à ce sujet et nous attendons avec intérêt de savoir comment évolue ce courageux patient. Il est peut-être beaucoup trop tôt pour faire une telle annonce au monde. »
Envisagées comme un recours possible face à la pénurie de greffons humains, les xénogreffes soulèvent des enjeux éthiques « tant du point de vue de nos représentations de l’intégrité humaine au regard de la "barrière des espèces", que de cette forme de solidarité inédite entre l’animal et l’homme qui est l’un des marqueurs moraux évoqué depuis les premiers prélèvements et dons d’organes entre humains à des fins thérapeutiques », souligne le professeur d’éthique médicale, Emmanuel Hirsch.
Quelle que soit l’issue de ces débats, « il reste encore du chemin à parcourir avant que de telles greffes ne deviennent une réalité quotidienne », rappelle un porte-parole du « NHS Blood and Transplant », insistant sur la nécessité actuelle du don d’organes face à la pénurie.
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