C’est une mesure qui a suscité de nombreux débats, notamment dans les pages du « Quotidien ». L’instauration d’une dérogation au secret médical dans le cadre de la lutte contre les violences conjugales a été définitivement adoptée le 21 juillet par le Parlement, suite au vote à l’unanimité du Sénat.
Inscrit dans la suite du Grenelle des violences conjugales de l’automne 2019, ce deuxième volet de mesures législatives stipule notamment qu’un médecin ou tout autre professionnel de santé est autorisé à déroger au secret professionnel lorsqu'il « estime en conscience » que les violences mettent la vie de la victime « en danger immédiat » et qu’il y a situation d’emprise.
Une reconnaissance du phénomène d'emprise
C’est l’une des « véritables avancées » apportées par la loi, a estimé Élisabeth Moreno, nouvelle secrétaire d’État à l’Égalité, devant les sénateurs. Selon elle, l’exception au secret médical permet de « mieux repérer » les victimes de violences, et la reconnaissance de la notion d’emprise de « mieux sanctionner » les auteurs, alors qu’« en 2018, 121 femmes et 28 hommes sont morts sous les coups de leurs partenaires ou ex-partenaires et 21 enfants mineurs ont été tués ».
Le nouveau garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti s’est dit « heureux » de cette nouvelle possibilité de signalement et a également insisté sur la prise en compte du phénomène d’emprise, « ce mécanisme si complexe qui place la victime sous la domination et la dépendance de son conjoint, qui permet de comprendre le silence des victimes et leur comportement craintif, qui fait croire à tort à une acceptation de leur sort ».
À côté de cette mesure emblématique, le texte prévoit des dispositions pour lutter contre le harcèlement, avec notamment des peines plus lourdes en cas de harcèlement au sein du couple, et jusqu’à 10 ans d'emprisonnement lorsque le harcèlement a conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider.
Le harcèlement en ligne n’est pas exclu : la géolocalisation d’une personne sans son consentement sera réprimée, et la violation du secret des correspondances devient une circonstance aggravante. La protection des mineurs face à la pornographie sera également renforcée. L’autorité parentale pourra par ailleurs être suspendue dans le cadre du contrôle judiciaire.
Un accueil mitigé chez les professionnels
Si l’ensemble du texte a fait l’objet d’un accord entre députés et sénateurs en commission mixte paritaire, approuvé la semaine dernière à l’unanimité par l'Assemblée nationale, la possibilité de lever le secret médical a fait polémique à l’extérieur du Parlement.
Dans une tribune publiée dans les pages du « Monde », la présidente du Conseil national de l’ordre des sages-femmes, Anne-Marie Curat, redoute le retour à un modèle « paternaliste du soin ». Lever le secret médical « sans accord de la patiente » revient à considérer « la femme comme incapable et (à) positionner le soignant en sauveur », écrit-elle. « Le professionnel de santé ne doit pas décider pour le patient en omniscient, mais éclairer le consentement du patient et le conseiller sans jugement ».
Le Dr Gilles Lazimi, généraliste investi dans la lutte contre les violences intrafamiliales, a dénoncé dans le « Quotidien » une mesure « non seulement dangereuse, mais aussi contre-productive ». « Cette fausse bonne idée émane de personnes qui méconnaissent le suivi, le vécu, l’histoire des femmes victimes de violences, l’emprise, le psycho-traumatisme et l’importance de la confidentialité obligatoire et nécessaire à la relation médecin-patient. Elle remet en question le fondement du soin, la confiance, le droit des patients et le devoir des médecins », souligne-t-il.
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