Le DPC toujours dans les limbes

L’interminable gestation du développement professionnel continu

Publié le 26/01/2011
Article réservé aux abonnés
1296007902221012_IMG_52628_HR.jpg

1296007902221012_IMG_52628_HR.jpg
Crédit photo : S TOUBON

1296007903221214_IMG_52654_HR.jpg

1296007903221214_IMG_52654_HR.jpg

UNE DES PREMIÈRES mesures prises par Xavier Bertrand pour calmer la grogne des médecins, lors de son retour au ministère de la Santé en novembre, a été de...« geler » les décrets DPC.

Conscient du caractère hautement sensible de ce dossier (qui concerne 1,7 million de professionnels toutes catégories confondues dont 56 000 généralistes), le ministre de la Santé expliquait mi-décembre dans nos colonnes que les décrets nécessitaient des « ajustements » mais qu’il n’était « pas question d’une refonte totale du DPC ». « On ne va pas repartir pour un cycle complet », assurait Xavier Bertrand qui acceptait de faire une concession en direction de certains syndicats vent debout contre le dispositif initial de gouvernance.

Gestion paritaire.

Un mois plus tard, le DPC (système qui doit remplacer la FMC et l’évaluation des pratiques professionnelles) est en stand-by. Il ne figure pas, semble-t-il, tout en haut de la pile des dossiers urgents. Depuis la remise du rapport d’Élisabeth Hubert à l’Élysée sur la médecine de proximité, le ministère de la Santé a prévu de s’attaquer de front à la simplification administrative, à la formation initiale, à la responsabilité civile professionnelle (RCP) ou encore à la modernisation de la rémunération. Sur le DPC, Xavier Bertrand a promis que l’organisme gestionnaire (OGDPC) serait composé de façon paritaire entre les professionnels d’un côté et l’assurance-maladie et l’État de l’autre. En revanche, aucun délai n’a été fixé pour la parution des décrets ni sur l’entrée en vigueur de l’obligation - à laquelle devront se soumettre tous les médecins. Juste avant le remaniement, le cabinet de Roselyne Bachelot avait tenté de passer en force. Les décrets étaient imminents, nous assurait-on. Quelques jours après la passation de pouvoir entre Roselyne Bachelot et Xavier Bertrand, Matignon avançait un « blocage technique » pour justifier un « décalage dans la publication » des décrets DPC (Le Quotidien du 24 novembre).

2011, année de calage.

« Les décrets ne sont pas enterrés, assure-t-on aujourd’hui à Grenelle. Il n’y a pas de remise en cause du fond mais une rediscussion de la gouvernance pour rétablir une parité au sein de l’OGC ». Un seul des douze textes d’application de la loi HPST relative au DPC devrait être réécrit pour revoir la composition de l’instance de pilotage dans chacune des professions. « Cela prendra un ou deux mois mais le DPC verra le jour », jure-t-on avant de préciser que 2011 sera une « année de calage ». Initialement prévue pour entrer en application en 2011, l’obligation sera finalement effective en 2012.

Après un mouvement de fronde du corps médical au printemps 2010 (les syndicats redoutaient une étatisation complète du dispositif de DPC), le calme semble revenu. Mais il a cédé la place à un épais brouillard. « Le principe du chèque DPC a fait rentrer tout le monde dans le rang », analyse un spécialiste du dossier. Reste que les modalités de ce chèque et son montant ne sont pas définis. Ils sont l’objet de discussions entre la DGOS (Direction générale de l’offre de soins) et les représentants de la profession. Des échanges au point mort depuis quelques semaines.

En dépit des discours officiels rassurants, les professionnels sont plongés dans le doute, ne sachant que penser de ce nouveau contretemps. Plusieurs institutions concernées par ce dossier (Ordre des médecins, Haute autorité de santé, Fédération des spécialités médicales) n’ont pas souhaité s’exprimer, faute d’informations. Le DPC est entouré de zones d’ombres. La première porte sur les fameux décrets ; la seconde concerne le financement du dispositif, nerf de la guerre. « Le problème est qu’il est plus difficile de flécher les fonds vers le DPC plutôt que sur une action de formation professionnelle conventionnelle (FPC), explique le Dr Philippe Bonet, président de l’Union nationale des associations de formation et d’évaluation continues (UNAFORMEC). À budgets constants, on ne disposerait que d’une centaine d’euros par médecin. Si l’État et l’Assurance-maladie veulent s’en sortir, le DPC doit s’intégrer dans la logique de la FPC et prévoir des thèmes nationaux prioritaires qui bénéficieraient de financements publics ». À MG-France, on estime qu’il faudrait au moins multiplier par deux le financement pour couvrir les besoins nécessaires des médecins.

Le Mediator bouscule tout.

L’affaire du Mediator, surtout, pourrait avoir des répercussions directes sur la gestion du DPC si les pouvoirs publics n’autorisent que l’argent public pour financer les actions de formation continue, comme certaines voix le réclament. L’Association des médecins urgentistes de France (AMUF) a exprimé cette demande : « La formation médicale continue et la recherche doivent être financées à 100 % par l’État et pas, comme c’est le cas actuellement, exclusivement par l’industrie pharmaceutique », plaide le syndicat du Dr Patrick Pelloux. « Stop au financement de la formation des médecins par l’industrie pharmaceutique », réclame également le Dr François Aubart, président de la Coordination médicale hospitalière (CMH). « En marginalisant le financement public (0,5 à 0, 75 % de la masse salariale), l’État continue d’accepter de laisser les industriels du médicament intervenir largement dans la démarche de formation continue des médecins », déplore ce même responsable qui appelle de ses vœux une « indispensable mise à plat ». Quant à la Mutualité française, elle considère que « l’absence d‘investissements publics suffisants dans les domaines de la formation, de la recherche, du soutien aux publications…, permet à l’industrie pharmaceutique de prendre une place exorbitante qui aliène l’indépendance des prescripteurs ». À l’Élysée, on confirme que le dossier sensible du financement du DPC fait désormais l’objet d’une attention toute particulière. Le Dr Alain Beaupin, ancien président du conseil national de formation médicale continue (CNFMC) des médecins salariés, veut rester optimiste sur l’avenir du DPC. « Car si les textes ne sortent pas, c’est la qualité de la formation des médecins qui baissera », prévient-il.

 CHRISTOPHE GATTUSO

Source : Le Quotidien du Médecin: 8893