Gynécologie

Ménopause : après une nouvelle étude, quelle place au traitement hormonal ?

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Publié le 20/01/2023
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De récentes recommandations américaines se prononcent contre la prescription du traitement hormonal de la ménopause en prévention des maladies chroniques. Le texte ne s'applique pas aux femmes symptomatiques, présentant une insuffisance ovarienne prématurée ou à risque ostéoporotique.
Il faut associer systématiquement des mesures hygiénodiététiques au THM

Il faut associer systématiquement des mesures hygiénodiététiques au THM
Crédit photo : Burger/Phanie

Quelle place accorder au traitement hormonal de la ménopause (THM) ? Depuis le projet Women's Health Initiative (WHI) lancé en 2005 ayant mis en évidence des risques associés, la question fait régulièrement débat, le dernier épisode faisant suite aux recommandations actualisées de l'US Preventive Services Task Force (USPSTF) publiées en novembre 2022 (1) .

Alors que les gynécologues américains confirment être (comme en 2017) contre la prescription du THM en prévention primaire des maladies chroniques, l'idée que le THM n'apporte aucun bénéfice circule à nouveau. Pourtant, ce n'est pas exactement le sens du message délivré.

Certes, l'USPSTF conclut à l'absence de bénéfice en population générale à prescrire un THM en prévention des maladies cardiovasculaires, de l'ostéoporose ou des troubles cognitifs chez des femmes asymptomatiques. Pour autant, il est bien précisé dans le document que ces recommandations « ne s'appliquent pas aux personnes envisageant l'hormonothérapie pour la prise en charge des symptômes de la périménopause, tels que les bouffées de chaleur ou la sécheresse vaginale », ni ne concernent « les personnes ayant une ménopause prématurée ou chirurgicale ».

Comme cela est rappelé, d'autres instances ont exprimé des avis plus complets sur des situations cliniques particulières. Le Collège américain des obstétriciens et gynécologues, qui s'est lui-même prononcé contre la prescription du THM en prévention primaire et secondaire des coronaropathies, rapporte qu'il existe des preuves en faveur de l'hormonothérapie en début de ménopause pour soulager les symptômes climatériques chez les femmes en bonne santé cardiovasculaire et que le THM est approuvé chez les femmes à haut risque fracturaire et d'ostéoporose. En juillet, la Société nord-américaine de la ménopause (Nams) s'est rangée elle aussi à cet avis, sous réserve d'un traitement commencé dans les 10 ans suivant la ménopause ou avant l'âge de 60 ans (2).

Utile en cas d'altération de la qualité de vie

Dans ce contexte, en France, le Groupe d'étude sur la ménopause et le vieillissement hormonal (Gemvi), pro-THM, a réagi par communiqué en novembre en soulignant que la balance bénéfices/risques reste positive pour les femmes symptomatiques ou qui ont une insuffisance ovarienne prématurée. Un avis que le groupe avait détaillé en 2021 (3).

La France avait aussi déjà adopté cette position. En 2014, la Haute Autorité de santé (HAS) avait estimé que le service médical rendu du THM est important en cas de symptômes « gênants au point d’altérer la qualité de vie des femmes » (4). La HAS s'était alors prononcée pour un maintien du remboursement à des doses minimales et pour une durée limitée.

Pour la HAS, les risques connus de ces traitements se confirment néanmoins : cancer du sein (surrisque augmentant avec la durée de traitement), de l'endomètre (risque lié aux œstrogènes nécessitant de toujours leur associer des progestatifs), de l'ovaire, événement thromboembolique veineux et accident vasculaire cérébral (surtout la première année). Et l'agence recommande « un traitement aux doses les plus ajustées et le plus court possible, réévalué au moins chaque année ».

Le Gemvi défend le THM « à la française »

Au sujet des risques, le Gemvi souligne, comme par le passé, que les traitements utilisés en France diffèrent de ceux testés dans les essais de la WHI. Les Américains ont utilisé des œstrogènes équins extraits de l'urine de jument gravide et un progestatif de synthèse, l'acétate de médroxyprogestérone, doté de propriétés glucocorticoïdes et androgéniques. « Avec l'estradiol transdermique micronisée ou la dihydrogestérone, les effets secondaires restent soit inexistants, soit beaucoup plus faibles qu'avec les traitements utilisés majoritairement aux États-Unis », lit-on. Pour le risque de cancer du sein en particulier, « il y a maintenant sept études publiées (françaises, anglaises et finlandaises) qui ne rapportent aucune augmentation (...) pour une utilisation de l'ordre de cinq ans », est-il ajouté.

Quant à la prévention de l'ostéoporose chez les femmes à risque fracturaire accru et présentant une intolérance ou une contre-indication aux autres traitements, la HAS avait estimé le service médical rendu important en cas de troubles du climatère associés et de ménopause récente, notamment après une fracture mineure ou si l’examen ostéodensitométrique révèle déjà une ostéoporose.

Les contre-indications majeures du THM sont à connaître et à respecter : les femmes ayant un haut risque cardiovasculaire (avis cardiologique avant éventuelle prescription) en raison d'un surrisque coronarien ou celles à risque mammaire élevé.

Quant à la durée du THM, elle est encore sujette à discussion, les données restant parcellaires après l'âge de 60 ans. Une réévaluation régulière de l'indication est recommandée dès l'instauration, et a fortiori en cas de durée prolongée. Pour toutes les femmes, quel que soit leur âge, les mesures hygiénodiététiques sont à promouvoir à la ménopause et à associer systématiquement au THM, insiste le Gemvi : arrêt du tabac, maintien d'un poids normal, alimentation riche en fibres et pauvre en graisses, apport suffisant en calcium, exercice physique régulier et consommation minimale d'alcool.

(1) USPSTF. Jama, novembre 2022. doi: 10.1001/jama.2022.18625
(2) Nams. Menopause, juillet 2022. vol 29, n°7, 767-794
(3) F. Trémollières et al, Gynecol Obstet Fertil Senol, 2021. doi: 10.1016/j.gofs.2021.03.010
(4) HAS, juillet 2014. https://www.has-sante.fr/jcms/c_1754596/fr/traitements-hormonaux-de-la-…

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin