Sexualité féminine

À aborder aussi avec les hommes

Publié le 10/02/2011
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PENDANT LONGTEMPS les urologues, comme d’ailleurs la majorité des praticiens, se sont peu intéressés à la sexualité féminine. Y compris lors de la cure chirurgicale d’un prolapsus ou d’une incontinence, la question de la sexualité étant occultée, à la fois par les femmes et par leur médecin, pour des raisons d’embarras ou de manque de temps.

Aujourd’hui, l’évaluation de la sexualité fait partie intégrante de la prise en charge d’une patiente avant une chirurgie de l’incontinence ou de prolapsus, car elle peut notamment avoir un impact sur le choix de la voie d’abord.

Mais une consultation urologique avec un patient du sexe masculin doit aussi conduire à s’interroger sur la sexualité de sa partenaire. « L’ouverture sur la sexualité féminine s’est initialement faite dans le cadre de la chirurgie du cancer de la prostate. Avec les évolutions sociétales, les femmes expriment clairement leur aspiration à une sexualité épanouie à tous les âges », souligne le Dr Florence Cour. Ainsi, selon des études récentes, la fréquence des rapports ne diminue pas autant avec les années qu’on aurait pu le penser. Les femmes de 70 à 80 ans vivant en couple ont en moyenne 3,8 rapports sexuels par mois. Donc la question de la sexualité doit absolument être prise en compte chez les hommes opérés d’un cancer de la prostate, quel que soit leur âge et celui de leur partenaire, qu’il s’agisse d’un couple stable ou d’une nouvelle rencontre, les divorces tardifs étant de plus en plus fréquents.

Les « échecs » des inhibiteurs de la phosphodiestérase de type 5 ont aussi constitué un des événements ayant conduit à la prise en compte de la sexualité de la femme. En effet, ces médicaments sont fréquemment mal pris et les hommes souffrant de dysfonction érectile se tournent alors souvent vers l’urologue pour « échec du traitement ». L’urologue peut alors, en quelques questions très simples, mettre en évidence, derrière le trouble de l’érection, un problème de couple. « Le manque de communication au sein du couple est très fréquent. Il arrive ainsi qu’un patient ne sache même pas que sa femme est en pleine ménopause, avec tout le cortège symptomatique qui en découle. Et, bien souvent, les hommes n’ont pas conscience du fait que le désir est au cœur de la sexualité féminine et que, pour la femme, le meilleur des aphrodisiaques pourrait bien être la tendresse », rappelle le Dr Cour. Pour être réceptive à la sexualité, la qualité de la relation avec le partenaire est essentielle pour une majorité de femmes. En outre, les circonstances environnementales (famille, travail…) influent fortement sur la réceptivité sexuelle de la femme. Il y a là une différence fondamentale entre hommes et femmes : ces dernières, qui cumulent souvent emploi et gestion familiale au quotidien, sont souvent fatiguées en fin de journée et n’aspirent qu’à être tranquilles et dormir. Tandis que les hommes, à l’inverse, souhaitent avoir des rapports sexuels pour se détendre.

Une approche globale.

Lors du dialogue singulier avec un patient, il faut donc se rappeler que derrière l’homme il y a une femme, parfois en pleine ménopause, parfois se désintéressant complètement de la sexualité car investie par exemple dans une vie de grand-mère active, ou parfois encore beaucoup plus jeune -couples recomposés obligent- et alors avec un désir d’enfant exprimé ou non, qui perturbe plus ou moins consciemment le partenaire.

Il s’agit ainsi pour l’urologue de penser à aborder la question de la sexualité du couple dans sa globalité en restant très simple, en parlant du désir féminin sans tabou. En quelques phrases, le praticien peut souvent faire la part entre un problème de couple « banal » et un trouble nécessitant une prise en charge par un sexologue ou un psychiatre.

Il importe également de prendre en compte la sexualité des femmes consultant pour un problème d’incontinence. « Après la ménopause, le recours aux estrogènes par voie locale est souvent d’une grande aide », rappelle le Dr Cour, qui préconise leur administration avant l’intervention puis à long terme après la chirurgie.

Enfin, dans une société où les normes de perfectionnisme et d’éternelle jeunesse sont omniprésentes, certaines femmes peuvent se perdre dans le combat qu’elles mènent contre leur horloge biologique. La demande croissante de chirurgie esthétique en témoigne, avec une dérive qui heureusement reste très marginale en France : la chirurgie des grandes lèvres et des demandes de vulve pré-pubères. Les urologues doivent alors s’interroger sur le mal-être qu’une telle demande peut cacher.

D’après un entretien avec le Dr Florence Cour, hôpital Foch, Suresnes.

 Dr ISABELLE HOPPENOT

Source : Bilan spécialistes