Une chute brutale de popularité

Ce que Sarkozy devrait faire

Publié le 09/11/2009
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Crédit photo : AFP

NICOLAS SARKOZY doit faire un peu d’introspection : les difficultés qu’il rencontre ne sont pas dues à la crise, dont chacun pense qu’il l’a plutôt bien gérée ; elles ne sont pas dues aux réformes, dont les Français estiment qu’elles doivent se poursuivre même s’ils en discutent âprement certains aspects, surtout ceux qui exigent d’eux des sacrifices ; elles ne sont pas dues à une presse critique ni à une opposition véhémente que l’opinion entend mais n’écoute pas. Elles sont dues principalement à son style, sa nervosité, sa précipitation, sa volonté de vaincre l’obstacle en toute circonstance, son refus de se mettre lui-même en cause, ses jugements à l’emporte-pièce sur le travail de ses ministres, souvent morigénés, mais dont il comprend pas qu’ils sont littéralement terrorisés par des instructions souvent contradictoires, alors que lui-même entame rarement son autocritique. Il devrait se souvenir que pour juger négativement une personne, il faut commencer par être soi-même irréprochable, au moins sur le sujet qui fâche.

Responsable de tout.

Irréprochable, ce président ne l’est pas. Il ne suffit pas qu’il dise en aparté qu’il regrette certains de ses faits et gestes, comme la fameuse soirée du Fouquet’s le soir de son élection et le voyage en yacht privé qui a suivi. Il doit admettre une vérité irrécusable : dès lors qu’il fait tout, qu’il est présent partout, et que rien ne se fait sans son aval, il est responsable de tout, surtout quand ça va mal. Il a accentué jusqu’à l’absurde la présidentialisation du système, il ne lui reste plus qu’à relâcher un peu les tenailles dans lesquelles il enserre le pouvoir. Quelqu’un, son épouse par exemple, dont on dit qu’elle a de l’influence, devrait lui faire comprendre que, s’il quittait, au moins provisoirement, le devant de la scène, s’il s’exposait moins, si les médias n’étaient pas contraints de parler de lui tous les jours parce que tous les jours il se livre à un effet d’annonce, il s’en porterait mieux.

LES FRANçAIS CONTINUENT À CROIRE À LA RÉFORME

On n’est pas omnipotent parce qu’on est partout. Robert Kennedy disait que l’autorité consiste à ne pas faire les choses soi-même mais à parvenir à les faire faire par les autres. On a du pouvoir quand on a conçu un projet et laissé aux collaborateurs le soin de l’exécuter. Or il se trouve que, du choix de Frédéric Mitterrand comme ministre de la Culture à l’affaire Jean Sarkozy en passant par le grand emprunt, si discuté, et par la suppression de la taxe professionnelle, on ne voit que la main de Sarkozy. Il a poussé l’ouverture jusqu’à la ridiculiser, parce qu’il la pratique tous azimuts et que les bataillons de l’UMP ne comprennent plus si la politique du gouvernement est de droite, de gauche, du centre ou même de l’extrême droite. Il n’a pas plus tôt fait adopter le RSA, grande mesure sociale, qu’il coopte les villiéristes et les chasseurs ; il abonde les budgets sociaux, mais devient féroce en matière d’immigration, contraignant Éric Besson, venu du PS, à se montrer plus rigoureux encore que Brice Hortefeux. Il est dominé par le syndrome de George W. Bush : qui n’est pas avec moi est contre moi, concept désastreux, parce qu’il écarte, dans une démocratie bruyante et rétive, ce qui fait le sel de l’humanisme, le libre-arbitre. La rebellion de Rama Yade est peut-être le caprice d’une jeune femme admirée qui veut donner du contenu à son action, mais elle correspond aussi à un effort pour arracher le baillon placé par Sarkozy sur la bouche de chaque ministre.

Pour un repli stratégique.

Il est vrai que, en même temps, le président est relativement indulgent  : il n’a pas encore limogé sa secrétaire d’État aux Sports. Indulgence ou effort désespéré pour prétendre que le gouvernement est uni alors qu’il est divisé en éléments qui jouent une partie personnelle et s’expriment soudain parce que l’Élysée ne laisse pas le Premier ministre prendre les mesures qui lui semblent indispensable. M. Sarkozy devrait, au moins une fois, examiner le concept de repli stratégique, se donner du champ, se reposer et réfléchir. Il doit se consacrer à l’essentiel, séparer le bon grain de l’ivraie et n’intervenir que dans les cas sérieux. Un président ne se mêle pas de tout, y compris les tâches triviales ; ça, c’est Hugo Chavez. M. Sarkozy souhaite-t-il lui ressembler ? Pour la première fois, un sondage CSA-LCP-Politique matin indique qu’au deuxième tour Dominique Strauss-Kahn l’emporterait par 51 % des voix contre Nicolas Sarkozy, alors que le même Sarkozy battrait tous les autres candidats de gauche, Aubry, Royal, Delanoë, Hollande, et le candidat UDF, François Bayrou. Qu’est-ce que cela signifie ? D’abord qu’il y a envers Sarkozy une perte de confiance qui se traduirait par une très forte abstention. Mais ensuite que le président garde une avance sur presque tous les autres candidats éventuels. Donc que rien n’est perdu, que la France accepte les changements (parfois déchirants) qu’il lui impose et qu’elle est sage : elle voudrait que le chef de l’État aille au bout de l’expérience qu’il propose à son pays. Ce capital doit-il être être gaspillé par des sautes d’humeur, des jugements inutiles, des effets de manche, des querelles de palefreniers ?

RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr