CMV et prééclampsie : « Il est urgent d'améliorer le dépistage et la prévention ! », plaide le Pr Yves Ville

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Publié le 13/12/2022
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Crédit photo : PHANIE

À l’aube de progrès thérapeutiques majeurs et de l’arrivée de près de 40 thérapies géniques sur le marché, le Pr Yves Ville, chef du service Maternité, Imagerie et Médecine fœtale de l'hôpital Necker-Enfants malades (Paris), appelle à mieux cibler les pathologies qui méritent un dépistage précoce, à l'occasion d'un colloque organisé à l'Institut Imagine (Paris)*.

En matière de dépistage, la France a une situation paradoxale. « La prévention reste un vœu pieux dont on espère qu'il se mette en place, chaque année, depuis le début du quinquennat précédent. On dépense beaucoup d'argent pour le dépistage mais il manque de cohérence, en particulier dans sa définition prénatale », souligne le Pr Yves Ville.

D'après le chef du service d’obstétrique parisien, depuis le dépistage de la trisomie 21, deux idées fortes restent associées, à tort, au dépistage prénatal ; la première concerne le « search and kill », autrement dit, la recherche d'anomalie entraînerait systématiquement la destruction du fœtus. « Nous n'avons pas laissé assez de place à l'information, au consentement des futurs parents et aux alternatives possibles. Le dépistage prénatal reste donc, malheureusement marqué au fer rouge par cette connotation », note le Pr Ville.

Autre idée erronée, celle du dépistage universel. « En France, les autorités sanitaires considèrent que si l'on dépiste une pathologie prénatale, il faut le faire chez toutes les femmes enceintes. C'est une erreur conceptuelle ! », note le Pr Ville. Exemple frappant : le dépistage de la syphilis est offert à toutes les femmes enceintes alors que ce dépistage devrait être effectué en fonction des facteurs de risque de chaque patiente. De même, toutes les femmes enceintes bénéficient d'un dépistage de la toxoplasmose alors même que sa prévalence a largement diminué depuis 25 ans.

Mieux dépister le cytomégalovirus et la prééclampsie

À l’inverse, deux pathologies mériteraient d'être dépistées d'urgence : le cytomégalovirus (CMV) et la prééclampsie. Après les maladies génétiques, le CMV est la maladie congénitale la plus pourvoyeuse de déficit neurosensoriel. Sept enfants sur 1 000 naissent, chaque année, en étant infectés par le CMV. Les patientes ayant le risque le plus élevé d'y être exposées sont celles qui ont moins de 35 ans, un niveau socio-économique élevé et un enfant de moins de 3 ans gardé en crèche. « Celles qui combinent ces quatre caractéristiques ont 10 % de risque de faire une primo-infection au CMV au premier trimestre de la grossesse, rapporte le spécialiste. Quant à leur enfant à naître, il a 1 % de risque de développer un déficit neurosensoriel ».

Le Haut Conseil de la santé publique a été saisi depuis 15 ans sur le dépistage systématique de la CMV chez la femme enceinte. « Il estime que l'on manque de données pour pouvoir statuer sur cette question !, regrette le Pr Ville. Nous avons mené une étude médico-économique mettant en exergue le fait que pour 38 euros par grossesse (coût du dépistage du CMV), nous pourrions éviter les déficits neurosensoriels liés à cette pathologie. Par ailleurs, le CMV bénéficie d'un traitement de prévention secondaire efficace et peu cher ».

La prééclampsie, quant à elle, est une pathologie bien connue. Cette hypertension engendrée par la grossesse commence au début du deuxième trimestre. Un dysfonctionnement au niveau de l'insertion placentaire en tout début de grossesse en détermine la survenue. « Une simple prise de sang avec marqueurs placentaires, effectuée au premier trimestre, permettrait de dépister 80 % des prééclampsies qui se développent avant 32 semaines d'aménorrhée et qui sont pourvoyeuses de prématurité, explique le Pr Ville. Nous pourrions prévoir leur apparition dans plus de 70 % des cas, grâce à cette prise de sang et à la prise d'aspirine (160 mg par jour). »

* D'après un colloque organisé le 23 novembre à l'Institut Imagine à Paris, à l’initiative de l’Association de patients atteints de déficits immunitaires primitif (Iris), de l’Association Grossesse Santé contre la prééclampsie et de la Société française de médecine prédictive et personnalisée.

Hélia Hakimi-Prévot

Source : lequotidiendumedecin.fr