Du repérage au travail de groupe

Comment mieux prendre en charge le harcèlement scolaire

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Publié le 10/09/2018
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HARCELLEMENT

HARCELLEMENT
Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Une intention agressive qui dure dans le temps, se répète et vise à établir une relation dominé/dominant : « le terme de harcèlement ne s’applique en principe que lorsque ces trois éléments sont réunis, précise le Docteur Nicole Catheline, pédopsychiatre au Centre Hospitalier Henri Laborit, à Poitiers. Être moqué tous les jours n’est donc pas officiellement du harcèlement. Il est indispensable d'être précis sur les termes si l'on veut mesurer les conséquences d’une situation donnée. »

Selon cette définition stricte, 5 à 6 % des enfants en France sont victimes de harcèlement. Pourtant, malgré les précisions qu'elle vient de formuler, la pédopsychiatre préfère le chiffre de 20 % « qui recouvre différents cas de figure – moqueries répétées, insultes… – et qui, dans tous les cas, permet de révéler les problèmes qui font du mal aux enfants. »

Une victime, un harceleur et un collectif

Le harcèlement peut recouvrir trois formes distinctes : le harcèlement physique, en face-à-face (voler ou casser des affaires) ; le harcèlement verbal et indirect (insulter ou faire courir des rumeurs) ; et enfin le harcèlement sur Internet ou « cyberharcèlement ». Dans ces trois cas, il y a une victime, un harceleur et un collectif. « Le phénomène du harcèlement est le revers de la médaille de notre besoin du groupe, qui peut parfois nous faire souffrir », complète le Docteur Catheline.

Il est en général assez aisé de repérer au sein du groupe les protagonistes potentiels : « un enfant timoré va attirer un harceleur, lui-même pas très assuré au fond de lui. Même s’ils ne se manifestent pas de la même façon, harceleur et victime ont des vulnérabilités : manque d’amour, de confiance, d’intérêt… » D’ailleurs, les professionnels le savent : il arrive que les rôles s’inversent. « Passer de victime à harceleur, on le comprend. Mais certains harceleurs peuvent aussi devenir des victimes, à partir du moment où le groupe est cohérent pour condamner ses méthodes. »

Dynamiques de groupe

Pour le Docteur Catheline, le harcèlement indique un échec dans la gestion du groupe. Et c’est donc de ce côté-là qu’il faut aller pour aborder le problème. « En dehors des choses très graves, comme des tentatives d’étranglement ou des attaques sexuelles, nous réunissons les enfants, encadrés par deux adultes, et proposons des séances de travail sur les dynamiques de groupe, sur son fonctionnement, sur la place des ‘spectateurs’. Bien souvent, les enfants nous disent qu’ils ne s’étaient pas rendus compte de la gravité des faits. Il est donc aussi intéressant d’intervenir en prévention. » Le travail de groupe ne peut toutefois fonctionner que si les adultes sont d’accord et s’entendent, qu'il s'agisse des enseignants ou des parents, qui doivent commencer par croire leurs enfants : « cela ne veut pas dire que l’on va se contenter de cette croyance, mais elle est un préalable à la confiance ».

Enfin, quand les situations sont avérées, un accompagnement psychologique soutenu doit être proposé à la victime, comme au harceleur, « car il y a des conséquences néfastes pour les deux profils. Plusieurs enquêtes anglo-saxonnes ont ainsi montré que, dans les deux cas, ils connaitront de vraies difficultés d’intégration sociale. »

Anne-Lucie Acar

Source : Le Quotidien du médecin: 9684