Les Italiennes contraintes à l’exode

De plus en plus de médecins refusent l’IVG en Italie

Publié le 12/10/2012
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Crédit photo : AFP

Un rapport du ministère de la Santé en Italie dresse un état des lieux inquiétant de l’accès à l’interruption volontaire : près de 70 % des gynécologues italiens refusent l’avortement en évoquant la clause de conscience. Résultat, les Italiennes n’ont d’autre choix que de franchir la frontière pour se rendre en Suisse, en Grande-Bretagne et en France.

Pour les Italiennes, le constat est amer. De l’autre côté des Alpes, 69,3 % des gynécologues appliquent la clause de conscience introduite en Italie en 1978 lors de l’adoption de la loi 194 autorisant l’avortement. Dans un rapport adressé au Sénat, le ministère de la Santé dresse un état des lieux inquiétant pour les partisans des IVG. Au sud de la botte et notamment en Basilique et en Campanie, 85 % des spécialistes croisent les bras devant les femmes qui réclament l’application de la loi. Dans le Latium, la région de Rome, 91 % des gynécologues se déclarent objecteurs de conscience. Une situation inquiétante pour le parti radical promoteur des deux référendums sur l’avortement (1978 et 1981) qui ont débouché sur l’adoption et la confirmation de la loi 194.

Prise entre l’enclume des objecteurs de conscience et le marteau du délai accordé par la loi (90 jours), la plupart des Italiennes n’ont d’autre choix que de franchir la frontière. Tandis que certaines vont en France, d’autres se rendent en Suisse ou en Grande-Bretagne. Selon le site italien du « Huffington Post », l’hôpital Archet situé à Nice serait carrément pris d’assaut par les Italiennes : « 50 % de nos patientes arrivent d’Italie mais n’ayant plus de place, nous leur conseillons désormais de se rendre à Marseille ou à Saint-Étienne », a déclaré un médecin du service de gynécologie. À l’hôpital Oberendagin situé dans le canton des Grisons en Suisse, le scénario est quasi identique, 40 % des demandeuses d’IVG ayant la nationalité italienne. « J’ai le sentiment que de nombreux gynécologues italiens anti-avortement effectuent les diagnostics prénatals très tard pour empêcher leurs patientes de se faire avorter », accuse d’ailleurs le Pr Ricardo Silva dans le « Huffington Post ».

Une situation qui risque d’empirer

Malgré la crise qui frappe de plein fouet les ménages transalpins, certaines Italiennes n’hésitent pas à franchir la Manche. Moyennant 965 euros, le tarif appliqué dans le privé, elles ont droit à une anesthésie générale et un bon suivi psychologique. Des conditions souvent inexistantes en Italie. Selon un médecin prêt à parler mais sous couvert d’anonymat, de nombreux hôpitaux laissent leurs patientes éveillées pendant toute l’intervention. « Nous manquons cruellement d’anesthésistes en Italie. Du coup, certaines structures n’ont pas le choix. Les thérapies alternatives dépendent des médecins. Certains utilisent seulement des décontractants musculaires comme le Buscopan. Nous sommes en retard par rapport à d’autres pays, la loi sur les thérapies antidouleur a été adoptée seulement en 2010 », explique ce médecin.

Pour Laiga, l’association de médecins qui veillent sur l’application de la loi 194, la situation déjà explosive risque d’empirer. « Dans la région de Rome, 10 hôpitaux sur 31 pratiquent les IVG et seulement 4, les avortements thérapeutiques. Selon la loi pourtant, toutes les structures hospitalières sont obligées de garantir le droit à l’avortement. À ce rythme, on ne pourra plus avorter en Italie d’ici 3 ou 4 ans », observe Silvana Agatone, gynécologue et présidente de Laiga.

 DE NOTRE CORRESPONDANTE À ROME, ARIEL F. DUMONT

Source : lequotidiendumedecin.fr