Lutte contre le sida, sécurité et immigration

Des amendements qui font débat

Publié le 05/10/2010
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Crédit photo : S TOUBON

C’EST AUJOURD’HUI qu’arrive à l’Assemblée nationale, le projet de loi sur la sécurité intérieure LOPPSI 2. Le texte adopté en première lecture par le Sénat prévoit dans son article 37 qu’un officier de police judiciaire « peut faire procéder sur toute personne ayant commis sur une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, dans l’exercice de ses fonctions, des actes susceptibles d’entraîner sa contamination par une maladie virale grave, à un examen médical et à une prise de sang afin de déterminer si cette personne n’est pas atteinte d’une telle maladie ». Une telle disposition a immédiatement fait réagir les associations de lutte contre le VIH/sida. L’article introduit en commission des lois sur amendement du gouvernement stipule également que le médecin, l’infirmier ou la personne habilitée à effectuer ces actes « doit s’efforcer d’obtenir le consentement de l’intéressé » mais qu’à la « demande de la victime ou lorsque son intérêt le justifie », la procédure pourra être effectuée « sans le consentement de l’intéressé ». Le fait de refuser de se soumettre au dépistage « est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende ».

Discriminant et complexe.

Selon Aides, l’amendement « fleure bon l’ignorance et la stigmatisation ». Avec huit autres associations de lutte contre le VIH/sida, elle a adressé un courrier aux députés pour protester contre une mesure « ni utile ni adaptée » mais qui entretient « des représentations erronées sur le VIH : en laissant croire qu’il se transmet facilement. »

Dans un avis du 28 septembre, la Société française de lutte contre le sida (SFLS) est, à son tour, montée au créneau. La SFLS souligne que le délai nécessaire permettant d’éliminer une contamination avec les tests actuels est de six semaines et non de trois mois comme cela est indiqué dans l’exposé des motifs de proposition du nouveau texte. Le gouvernement y explique notamment que les dépositaires de l’autorité publique « peuvent être blessés par des personnes parfois atteintes de maladies virales transmissibles comme le SIDA » et qu’en cas d’absence de dépistage de la personne source, « les victimes sont contraintes d’attendre le délai de 3 mois nécessaire à un contrôle sérologique fiable et définitif ».

Plus fondamentalement, la SFLS rappelle que, depuis des années, les dépositaires de l’autorité publique ou chargés de mission de service public « sont soumis aux mêmes mesures de protection vis-à-vis d’un risque de contamination que les autres professionnels possiblement en contact avec des personnes infectées ». Ils peuvent notamment bénéficier d’un traitement préventif en cas de blessures avérées pouvant donner lieu à contamination par des virus transmissibles et que ce traitement « doit être pris au mieux dans les quatre heures qui suivent l’accident, et poursuivies pendant 28 jours ».

La SFLS souligne qu’un tel fait au contraire courir à la victime le risque de voir retarder l’initiation d’un traitement antiviral urgent. En effet, des instructions écrites du procureur ou du juge sont nécessaires pour procéder de façon coercitive à un prélèvement. Par ailleurs, rappelle la SFLS, « la négativité de la sérologie de la personne source ne permet pas de garantir l’absence de risque de contamination, la personne en question pouvant être en phase de séroconversion dans les quinze jours suivant sa propre contamination et étant de ce fait à haut potentiel infectieux ».

Pour la SFLS, le texte présente non seulement un caractère « discriminant », car il différencie les dépositaires de l’autorité publique d’autres professionnels en contact avec des personnes potentiellement infectantes, mais il tend à rendre la procédure encore plus complexe en retardant une prise en charge urgente. La SFLS rappelle la position du Conseil national du sida, pour qui le principe du consentement libre et éclairé doit être la règle et qui, dans son avis du 12 décembre 2002 sur la conduite à tenir face au risque de contamination par le VIH/sida à la suite d’une agression sexuelle, estimait : « on peut s’interroger sur l’utilité d’une mesure de dépistage obligatoire, d’autant qu’on ne saurait aller jusqu’à imposer un dépistage sous contrainte physique, contraire à tous les principes d’éthique et de droit internationaux et à toutes les règles de déontologie médicale ». Le texte qui va être débattu reprend d’ailleurs les termes de la loi du 18 mars 2003 mais qui ne concernait que les auteurs de viol et d’agression sexuelle.

Étrangers malades.

À quand la déchéance de nationalité pour les séropos, lançait Aides le 10 septembre à propos du projet LOPPSI 2. Une boutade pour évoquer la proposition contenue dans le projet de loi relatif à l’immigration, à l’intégration et à la nationalité, qui durcit le droit au séjour pour raisons médicales. Un collectif d’association, dont le CISS (Collectif interassociatif sur la santé) et l’ODSE (Observatoire du droit à la santé des étrangers), appelle « tous les médecins et tous les parlementaires » à s’opposer au texte. Le CNS a également réagi en adressant un courrier au président de la république, aux ministres et aux parlementaires (« le Quotidien » du 28 septembre). Le texte proposé au vote, contrairement à la version initiale dont la rédaction paraissait « trop restrictive », a été modifié le 30 septembre dernier. Le droit au séjour pour raisons médicales n’est plus conditionné à l’existence ou à l’inexistence des traitements dans le pays d’origine mais à leur disponibilité. Pas sûr que cette dernière modification suffise à les opposants à l’amendement, pour qui seul « l’accès effectif » au traitement doit être pris en compte pour les étrangers gravement malades.

 Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8829