Des associations au service de la recherche et des malades

Publié le 09/09/2010
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« LILIANE BETTENCOURT est une femme d’action, une visionnaire », estime le Pr Christine Katlama. À la fin des années 1990, elle a décidé de s’engager en faveur de la lutte contre le sida. « Ils étaient peu nombreux à vouloir le faire. Nous passions notre temps à chercher des crédits, plusieurs fois, les portes étaient restées closes », se souvient-elle.

En2001, l’association ORVACS (Objectif recherche vaccin sida) pouvait voir le jour, créée à l’initiative des Prs Christine Katlama, Brigitte Autran, Gilles Brücker et Patrice Debré, aujourd’hui ambassadeur chargé de la lutte contre le sida. L’association développe de nouvelles approches vaccinales grâce à un réseau d’équipes de recherches universitaires internationales. « Nous avons été les premiers à montrer que le vaccin thérapeutique était malheureusement insuffisant et là, nous allons démarrer le premier essai d’un programme d’éradication. Nous savons contrôler la réplication. Maintenant ce qu’il faut, c’est purger les cellules mémoire du virus », explique le Pr Katlama.

Le projet ERAMUNE, qu’elle coordonne, vise en effet à évaluer une nouvelle stratégie alliant un renforcement du traitement antirétroviral et un immunomodulateur, la cytokine Il-7. ORVACS est promoteur du programme, dont une partie se déroule en Europe (ERAMUNE 01), dans 5 centres (en France, au Royaume-Uni, en Espagne et en Italie), et une autre aux États-Unis (ERAMUNE 02) dans 3 centres (Chicago, San Francisco, New York) et en partenariat avec le NIH (National Institute of Health).

ORVACS, entièrement financé par la Fondation Bettencourt, a bénéficié de 10 millions en dix ans. « L’argent ne sert qu’aux essais. Nous avons juste deux personnes, un chef de projet et quelqu’un pour le laboratoire. Nous ne prenons pas d’honoraires. Tout ce qu’on fait avec le Pr Autran et les autres spécialistes, c’est brainstorming gratuit », affirme la spécialiste. Le recours au mécénat, peu fréquent en France, leur a donné beaucoup de liberté, témoigne-t-elle. « Le public ne peut pas tout et les fondations des compagnies pharmaceutiques ne fiancent pas ce type de recherche », souligne-t-elle.

« Partout ailleurs, on nous féliciterait »

Quant au Pr Brücker, il affirme trouver « honteux » qu’on puisse leur faire « un procès d’intention, en raison des démarches que nous avons engagées pour chercher des financements. Partout ailleurs, on nous féliciterait », regrette-t-il.

Toujours dans le domaine de la recherche, Liliane Bettencourt a fait des dons au CREPATS, association du service de maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Pitié-Salpêtrière (AP-HP, Paris). La structure sert à récolter des fonds pour améliorer le fonctionnement du service. « L’argent sert à la recherche clinique, aux publications. Il a permis d’engager 2 techniciennes d’étude clinique et un statisticien », indique le Pr Katlama, avant de s’indigner : « Je pense faire partie de ceux qui publient, avec mon équipe, le plus, mon bureau de PU-PH fait partie des plus petits. Nous n’affichons aucun signe extérieur de richesse. Tout est hyperclair. Maintenant la coupe est pleine. À travers nous, on salit tous les gens qui se battent au quotidien, tous ceux qui prennent sur leurs vacances pour aller en Afrique ou ailleurs. Il ne s’agit pas de nous faire dérouler un tapis rouge, mais vraiment, on ne peut pas se laisser poignarder comme cela. Nous avons maintenant l’âge de représenter quelque chose. C’est cela qu’on veut détruire. C’est gratuit et injuste. ».

En plus d’ORVACS, les deux praticiens ont fondé l’association SOLTHIS (Solidarité thérapeutique et initiatives contre le sida), une association engagée dans 6 pays d’Afrique, au Niger, au Mali, en Guinée, au Burundi, au Bénin et à Madagascar. Créée en 2003 avec un soutien financier de la Fondation Bettencourt (9 millions sur 5 ans), elle a pour mission de renforcer les systèmes de santé des pays du Sud et de soutenir des programmes d’accès aux médicaments. L’association est aujourd’hui reconnue au plus haut niveau international. « Nous sommes partenaires du Fonds mondial et sollicité régulièrement par l’OMS », souligne le Pr Brücker. D’autres bailleurs ont rejoint la fondation participe toujours au financement(80 %).

Le Pr Brücker, directeur du GIP ESTHER tient à réaffirmer son engagement résolu pour la qualité des soins, le progrès en médecine, l’équité en matière d’accès aux soins et la lutte contre les exclusions. « Toutes ces valeurs, nous continuons à les défendre », insiste-t-il. Il rappelle aussi son attachement au service public, lui qui a gardé une consultation le samedi matin à l’hôpital. « Il est très important pour moi de rester en contact avec les malades et eux sont très contents qu’un médecin accepte de consulter le samedi matin. Cela devient très rare dans la fonction publique. Je suis heureux de pouvoir le faire et je le fais bénévolement », ajoute-t-il.

 Dr L. A.

Source : Le Quotidien du Médecin: 8811