Les champions de tennis à la loupe

Des athlètes de plus en plus précoces

Publié le 20/05/2011
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Crédit photo : AFP

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Crédit photo : S Toubon

GRANDS FAVORIS de Roland Garros, l’espagnol Rafael Nadal et le serbe Novak Djokovic sont certainement au faîte de leur carrière… à 24 ans. Respectivement numéros 1 et 2 mondiaux, ils ont débuté leur carrière professionnelle très précocement : 15 ans pour Nadal et 16 ans pour Djokovic. Leur cas n’est pas à part. Depuis quelques années, les nouveaux joueurs et joueuses du circuit professionnel n’ont quasiment jamais plus de 16 ou 17 ans lors de leur entrée dans la cour des grands. Or démarrer ce sport plus tôt est il synonyme de plus haute performance sur la durée ? Des chercheurs de l’INSERM et de l’IRMES* ont tenté de répondre à cette question dans une étude publiée dans la revue Medicine & Science in sports & exercice. Pour ce faire, ils se sont penchés sur la carrière de 241 joueurs et joueuses de tennis figurant et ayant figuré dans le top 10 mondial depuis 1968. Les carrières ayant débuté avant 1985 ont été comparées à celles des joueurs ayant démarré après 1985.

Depuis 40 ans, la durée de carrière moyenne des joueurs au plus haut niveau n’a pas fortement évolué, constatent tout d’abord les chercheurs. Elle s’établit aujourd’hui à 16 ans pour les hommes et 15 ans et 9 mois pour les femmes. Si les carrières commencent plus tôt, leur durée reste stable, tout comme le nombre de matchs joués avec une moyenne de 529 rencontres pour les femmes et 674 pour les hommes.

En revanche, pour ces joueurs et joueuses de tennis précoces, « le dernier match se déroule près de deux ans et demi plus tôt qu’avant 1985 », expliquent les auteurs le Dr Jean-François Toussaint et Marion Guillaume. Les chercheurs constatent que les joueurs atteignent leur pic de performance « presque deux ans plus tôt que la génération qui a débuté il y a 25 ans ». Néanmoins, cette précocité n’accroît pas le potentiel de victoire sur l’ensemble d’une carrière tennistique.

Entraînement à revoir.

Si dans de nombreux sports, l’âge optimum s’établit aux alentours des 25 ans, l’étude montre qu’au tennis l’âge de la haute performance se situe entre 21 et 23 ans chez les numéros 1 mondiaux hommes et femmes qui gagnent près de 8 matches sur 10 durant cette période.

Selon les chercheurs, la meilleure joueuse ou le meilleur joueur qui deviendra numéro 1 commencent habituellement plus tôt que les autres. L’âge au pic de performance se produit aussi plus tôt pour elle ou lui par rapport aux joueurs ou joueuses de sa génération. Sans surprise, « les femmes atteignent leur plus haut niveau plus tôt que les hommes, conformément à leur évolution biologique plus précoce tant du côté hormonal que du point de vue de la maturité psychologique ». Conséquence de cette plus grande précocité féminine, le déclin s’avère généralement plus fort chez les joueuses de tennis professionnelles. Qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes, « la pratique intensive à un jeune âge peut au final impacter le potentiel physique du joueur ou de la joueuse et augmenter ainsi les risques de blessure », note l’étude. Pour les chercheurs, une meilleure compréhension de l’évolution des carrières des joueurs et joueuses de tennis permettrait d’établir des programmes d’entraînement plus appropriés en fonction de l’âge, susceptibles de mieux entretenir les organismes sur la durée et de prévenir les blessures graves souvent préjudiciables dans une carrière. Ils s’interrogent sur la pérennité des joueurs arrivés très tôt sur le circuit. « La pratique intensive à un âge très jeune pourrait en fait réduire le potentiel d’un joueur », estiment-ils. La prévalence des blessures augmente avec un risque d’arrêt définitif de la carrière. De ce point de vue, la très grande précocité de Nadal pourrait avoir des conséquences délétères sur sa santé et son avenir de joueur. Seules les prochaines années le diront.

*Institut de recherche biomédicale et d’épidémiologie du sport

DAVID BILHAUT

Source : Le Quotidien du Médecin: 8967