Immunothérapie, chélateur du fer, lumière infrarouge....

Des avancées en vue dans la maladie de Parkinson

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Publié le 10/04/2017
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ParkinsonNeurones

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Crédit photo : PHANIE

Les traitements actuels, très efficaces sur les symptômes - médicaments à visée dopaminergique (L-dopa ou agonistes), systèmes de pompes (apokinon ou L-dopa) ou stimulation cérébrale profonde -, ne modifient pas le cours évolutif de la maladie de Parkinson.

L'enjeu de la recherche dans la maladie de Parkinson aujourd'hui est de ralentir voire prévenir la neurodégénérescence. Les choses avancent, vite ces dernières années, avec plusieurs pistes en cours d'exploration, notamment avec l'immunothérapie antisynucléine.

« La meilleure connaissance physiopathologique de la maladie donne un nouvel élan à la recherche, explique le Pr Jean-Philippe Azulay, neurologue à l'AP-HM (Marseille), responsable du centre de coordination interrégional pour la maladie de Parkinson et chercheur au sein du programme pluridisciplinaire DHUNE. Après l'échec des derniers essais de neuroprotection il y a 5-10 ans, les allers-retours très rapides de recherche transversale font avancer les choses en termes très concrets pour le développement clinique. L'identification du rôle pathologique de l'alpha-synucléine ouvre aujourd'hui la voie de l'immunothérapie ».

Dépôts fibrillaires d'alpha-synucléine

Au cours de la maladie, les patients ayant une maladie de Parkinson restent sensibles à la dopamine, seule la durée de l'effet diminue. « Les prises peuvent devenir nécessaires toutes les 2-3 heures au fil de l'épuisement dopaminergique, explique le Pr Azulay. Le passage d'un palier de traitement à un autre est très bien établi, jusqu'à la stimulation à haute fréquence 24h/24 pour laquelle la sensibilité à la dopamine reste un critère d'éligibilité indispensable ». Malgré tout, au cours de l'évolution, certains symptômes vont résister, notamment les symptômes psychiques, les troubles cognitifs et du comportement ou les troubles de l'équilibre.

L'alpha-synucléine est identifiée dans la maladie de Parkinson depuis près de 20 ans. Mais ce n'est que récemment qu'a été mis en évidence chez des patients malades ayant eu une greffe neuronale que les dépôts fibrillaires d'alpha-synucléine neurotoxiques disséminent des cellules du patient vers les cellules greffées. Il existe au cours de la maladie une propagation de cellule en cellule sur un mode pseudo-prion ou pseudo-viral, d'où l'idée de développer l'immunothérapie anti-synucléine.

« L'immunothérapie peut être active ou passive, poursuit le neurologue. La première approche consiste à mettre au point un vaccin qui entraîne la production efficace d'anticorps anti-synucléine. Un essai de phase 1 a déjà été mené par une équipe autrichienne il y a 3 ans chez une trentaine de patients. La deuxième approche repose sur l'administration d'anticorps qui peuvent être dirigés contre différentes étapes-clefs de la synucléine. Le lancement d'un essai de phase 2 est prévu en Europe par le laboratoire Roche avant fin 2017, probablement d'ici juillet ». L'essai prévoit l'inclusion de 300 patients de novo ou au tout début de la maladie. Six à huit centres français devraient y participer.

Intervention précoce

Quels enseignements ont été tirés de l'expérience plutôt décevante des anticorps anti-amyloïde dans la maladie d'Alzheimer ? « La maladie de Parkinson est une forme quasi-pure de synucléopathie au début, répond le Pr Azulay. Il n'en est pas de même pour la maladie d'Alzheimer, qui est une double protéinopathie tau-myloïde. La question de savoir si l'amyloïde est bien la bonne cible reste posée, ce n'est pas le cas avec la synucléine pour la maladie de Parkinson ».

L'approche consistant aujourd'hui à vouloir intervenir au plus tôt dès la phase présymptomatique dans l'Alzheimer est une problématique qui se transpose à la maladie de Parkinson. Au début de la maladie, il y a déjà une perte de près de 40 % des neurones à dopamine. « Il faudrait pouvoir traiter avant les symptômes moteurs, reconnaît le Pr Jean-Philippe Azulay. La maladie évolue par stades, les dépôts de synucléine débutant à la phase prémotrice dans la profondeur du tronc cérébral, s'étendant ensuite au mésencéphale dans le locus niger à la phase motrice puis diffusant dans le cortex. En agissant aux stades moteurs, on agit en milieu de tableau ».

Comment faire mieux ? « À la phase prémotrice, il peut exister des troubles du comportement en sommeil paradoxal dits "RBD" », précise le Pr Azulay. Les RBD (pour Rem-sleep Behavior Disorder), ces rêves très agités au vécu souvent angoissant avec une abolition de la baisse normale de tonus en sommeil paradoxal, seraient associés à un risque élevé de développer une synucléopathie à 10 ans. « Ce peut être un signe avant-coureur de la maladie, abonde le Pr Marie Vidailhet, qui l'a montré récemment avec son équipe. L'étude du sommeil est très importante et pourtant encore sous-estimée dans la maladie ».

Identifier des marqueurs permettant de prédire et de suivre la progression de la maladie, c'est l'objectif poursuivi par l'équipe du Pr Marie Vidailhet qui cherche dans l'étude ICEBERG à comprendre en suivant plus de 300 patients ce qui se passe avant l'apparition des symptômes moteurs puis tout au long de l'évolution.

« Pour chaque sujet nous disposons en plus des données cliniques très détaillées, d'une imagerie de très haute définition au CENIR, de données génétiques et de prélèvements biologiques pouvant donner une signature de la maladie », détaille le Pr Vidailhet. L'association de RBD, d'une hyposmie et d'une imagerie fonctionnelle cérébrale évocatrice, au Dat-TDM ou au PET-TDM à la fluoro dopa, traduirait un risque combiné de 90 %, avance le Pr Azulay.

Chélateurs du fer et lumière infra-rouge

Actuellement en cours, une nouvelle étude européenne, l'étude FAIRPARK, pour laquelle la France est pilote (Pr David Devos, CHRU de Lille), vise à tester l'effet neuroprotecteur d'un chélateur du fer, la desfériprone, en double aveugle pendant 9 mois chez une centaine de patients de novo. L'idée est de lutter contre l'accumulation excessive de fer au sein de la substance noire. Les résultats sont attendus d'ici 2018. « C'est l'occasion de saluer le réseau NS-PARK qui aide à organiser la recherche industrielle et académique en France dans la maladie de Parkinson », souligne le Pr Azulay.

Autre piste de neuroprotection, le neurochirurgien Pr Alim-Louis Benabid, distingué par le Prix Lasker pour la découverte de la stimulation cérébrale profonde, est à la tête du projet NIR testant la lumière infra-rouge au sein de la société Clinatec (CEA, INSERM, Université Joseph Fourier, CHU de Grenoble). L'exposition des neurones dopaminergiques, via l'implantation d'une fibre optique, permettrait de stimuler leur métabolisme. Cette stimulation permettrait de ralentir voire d'arrêter les mécanismes de dégénérescence. Annoncé en mars 2015 à l'Académie des Sciences par le Pr Benabid, l'essai clinique, en attente d'accréditation, n'a pas encore débuté. 


Source : Le Quotidien du médecin: 9571