SOS Urgence médico-psycho-sociale

Des médecins à l’écoute de la détresse

Publié le 04/03/2013
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Crédit photo : Thierry Mouret

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Crédit photo : Thierry Mouret

HÔPITAL NECKER, Samu de Paris. Quelque 8 assistants de régulation médicale, casque sur les oreilles, reçoivent les appels de Parisiens en détresse. Seulement 10 % d’entre eux ont besoin d’une équipe de réanimation. Pour le reste, les permanenciers envoient des urgentistes, des généralistes, une ambulance, ou encore les pompiers, un taxi, voire un hélicoptère. Durée moyenne de l’appel : de 1 à 1,30 minute.

Et puis, il y a ces autres personnes qui appellent (trop) régulièrement le 15. Aux mêmes heures, les mêmes jours. Parce que le 15 est un numéro connu. « Elles sont dans une grande solitude. Elles ne relèvent pas d’une urgence physique, leur situation ne requiert pas l’envoi d’une ambulance. De moins en moins de médecins se déplacent. Nous passons alors 10 à 20 minutes à chercher des solutions », explique Émeline Hennequin, assistante de régulation.

Autre cas de figure. Un voisin se présente au bout du fil. On est vendredi, il est 18 heures, c’est bientôt le week-end. Habituellement il garde un œil sur sa voisine âgée, mais il doit partir et ne sait pas à qui la confier.

Que faire, alors que les services sociaux ne proposent guère d’hébergement temporaire et que les urgences hospitalières débordent ?

Que l’urgence intègre le social.

Le Dr Suzanne Tartière, anesthésiste, est impliquée depuis 15 ans dans l’urgence, celle des hôpitaux comme celle du Samusocial de Paris, dont elle a été directrice médicale aux côtés de Xavier Emmanuelli. De cette expérience, elle tire une conviction : « les dimensions médicale, psychologique, et sociale sont liées. L’urgence a commencé à intégrer la psychiatrie, c’est maintenant au tour du social », estime-t-elle.

Le Dr Tartière planche sur le projet de l’équipe mobile d’urgence depuis 2005. L’EMU a enfin trouvé sa mascotte dans un véhicule électrique prêté par EDF. Le service a été inauguré en présence de Michèle Delaunay, ministre déléguée aux personnes âgées, le 29 octobre dernier. Le dispositif, financé pendant un an grâce au mécénat de la Fondation Daniel et Nina Carasso, rassemble autour du Dr Tartière, missionnée par le Samu dirigé par le Pr Pierre Carli, une chargée de mission, Lilly Diener, et quelques médecins retraités bénévoles, membres de l’association « Les Transmetteurs »*, fondée par Xavier Emmanuelli. Des recrutements de médecin et d’assistante sociale sont en cours.

Une centaine de dossiers.

Concrètement, les assistants de régulation sont invités à déposer dans une bannette spécifique les dossiers des personnes qui témoignent d’une souffrance sociale. En un peu plus de trois mois, une centaine d’entre eux a déjà été traitée. Des médecins Transmetteurs viennent deux après-midi par semaine les étudier et amorcent une enquête médico-sociale. Ces Parisiens ont-ils de la famille, un médecin traitant, une aide à domicile, une assistante sociale ?

« Les médecins peuvent faire du lien : ils recherchent si la personne est connue des centres locaux d’information et de coordination gérontologique (CLIC), ou pour les moins de 60 ans, des services sociaux départementaux polyvalents (SSDP) », détaille Suzanne Tartière. « Nous travaillons aussi avec la Fédération des réseaux de santé gérontologique d’Ile-de-France (FREGIF) ou les associations », précise-t-elle. « Souvent une dizaine de personnes, dont des médecins, entourent l’appelant : nous ne nous y substituons pas », insiste le Dr Tartière.

Coup de projecteur.

Les médecins prennent parfois le volant de la voiture électrique. Le Dr Cécile Renson, ancienne anesthésiste libérale, puis médecin du travail, « Transmetteur » depuis 2004, raconte sa première visite au domicile des patients : « C’était une femme qui vivait au cinquième étage sans ascenseur et restait en vêtement de nuit toute la journée. Je l’ai d’abord appelée puis nous nous sommes rendus chez elle. Nous avons contacté une association, puis une branche de sa famille. Quand on appelle les CLIC ou les services municipaux, nous mettons un coup de projecteur sur ces personnes ». Chez cet autre patient souffrant de légers troubles psychiatriques, le Dr Renson détecte un risque lié au gaz de ville. « On a alerté l’assistante sociale et fait en sorte que l’aide à domicile vienne pendant les repas ». Souvent, il n’y a pas urgence.

« C’est un enchaînement de petites choses : le chauffage tombe en panne, l’aide n’est pas venue. Une personne au 3e étage sans ascenseur est ainsi restée un an sans sortir, la femme de ménage, censée venir deux fois par jour ne venait plus », raconte encore Lilly Diener, qui assiste à ces sorties. L’EMU intervient auprès de personnes souffrant du syndrome de Diogène, ou de dépressifs qui se laissent aller. « C’est important d’aller au domicile pour voir dans quel environnement vit la personne », explique la chargée de mission.

Être médecin n’est pas anodin. « Les gens se sentent rassurés. Nous avons une qualité d’écoute face à la solitude, qui est le mal de notre époque », martèle le Dr Renson.

Du côté de la régulation du 15, on plébiscite aussi l’EMU. « Nous sommes amenés à faire de plus en plus de social et nous ne sommes pas formés. Maintenant on a une réponse. Avant ... on envoyait les gens à l’hôpital », reconnaît, honnête, Émeline Hennequin. Son souhait : voir le dispositif s’étendre en province.

*L’association "Les Transmetteurs" est à l’origine une association de médecins retraités, qui accueille aujourd’hui tous les retraités du domaine médico-psycho-social qui souhaitent apporter leur soutien aux dispositifs sanitaires en cas de crise et former des jeunes aux métiers de proximité et d’accompagnement.

 COLINE GARRÉ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9223