Dépistage du cancer du sein, tout est modifié, ou presque…

Des recommandations américaines détonantes

Publié le 22/10/2015
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L’âge de début proposé pour un mammographie annuelle est de 45 ans

L’âge de début proposé pour un mammographie annuelle est de 45 ans
Crédit photo : PHANIE

Il n’y a pas qu’en France que le dépistage du cancer du sein fait débat. À l’heure où Marisol Touraine vient de lancer une concertation citoyenne, une société savante influente outre-atlantique, l’American Cancer Society (ACS), remet complètement à plat le dépistage tel qu’il est fait aux États-Unis et en France pour les femmes de risque moyen.

La société savante publie ses recommandations 2015 dans le « JAMA » en s’appuyant entre autres sur deux articles liés, une étude sur l’intervalle optimal et une revue de la littérature sur les bénéfices et les risques. Avec deux niveaux de recommandations « fortes » ou « qualifiées », l’ACS redéfinit l’âge de début et de fin, le rythme des examens et la place de l’examen clinique.

Des tumeurs agressives chez les jeunes

Alors que l’US Preventive Services Task force (USPSTF) recommande le dépistage officiel à partir de 50 ans tous les 2 ans jusqu’à 74 ans, l’ACS se prononce en faveur d’une mammographie dès l’âge de 45 ans à un rythme annuel jusqu’à l’âge de 54 ans. Pour cette décision, la société savante s’appuie entre autres sur une étude du Breast Cancer Surveillance Consortium (BCSC) (cf encadré). En accord avec l’idée que les femmes jeunes développent des tumeurs plus agressives et bénéficieraient d’un dépistage plus rapproché, l’étude montre qu’avant la ménopause, il y a plus de cancers de plus mauvais pronostic avec le dépistage biennal qu’avec l’annuel.

Après l’âge de 54 ans, l’ACS propose que le dépistage devienne biennal (tous les deux ans) ou reste annuel si la femme le souhaite. Avant l’âge de 45 ans, l’ACS souhaite que l’option du dépistage annuel soit proposée, notamment en fonction de facteurs de risque individuels. Selon les experts américains, le dépistage devrait être poursuivi au-delà de 74 ans tant que l’état de santé est bon et que l’espérance de vie est ≥10 ans. Quel que soit l’âge, l’ACS ne recommande pas l’examen clinique, qui est associé à un très faible bénéfice de l’ordre de 0,4 cancer invasif additionnel pour 1 000 femmes, pour 20,7 faux positifs supplémentaires.

Des incertitudes sur le gain de mortalité

Ces recommandations plus interventionnistes se heurtent néanmoins toujours à la question des bénéfices en terme de mortalité. Comme le fait remarquer un éditorial lié, « même si les tumeurs plus petites sont de meilleur pronostic que les plus étendues, l’analyse mise à jour du BCSC ne donne pas de preuve irréfutable que la mammographie annuelle diminue la mortalité par cancer du sein chez les femmes non ménopausées par rapport à la biennale ». Et d’ajouter plus loin : « L’importance de l’effet clinique réel reste incertain, en particulier étant donné le bénéfice relativement faible en valeur absolu du dépistage chez les femmes jeunes. »

Des zones d’ombre persistent. En conclusion, l’ACS « reconnaît que la balance entre les bénéfices et les risques est proche dans certaines circonstances et que la variété des valeurs et des préférences parmi les femmes amènera des décisions variées ». Dans une fiche destinée aux patientes, l’ACS explique le risque de surdiagnostic et de biopsies inutiles et conseille aux femmes « de discuter avec (leur) médecin la meilleure approche de dépistage pour (elles) ». Les recommandations ACS ne disent rien du risque de cancers radio-induits, en particulier quand le dépistage est commencé tôt, ni du coût économique pour la société.

JAMA, publié en ligne le 20 octobre 2015
Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du Médecin: 9443