Don de sang des homosexuels : déceptions et réactions mesurées

Publié le 01/04/2015

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C’est un avis qui était très attendu sur un sujet sensible : le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a estimé mardi qu’il serait prématuré d’ouvrir le don de sang aux hommes ayant des relations avec d’autres hommes, compte tenu des incertitudes concernant la fiabilité des déclarations faites par les donneurs.

Le CCNE estime que la levée de la contre-indication permanente serait uniquement possible si l’on se concentrait de questionner les donneurs sur leurs pratiques à risque, plutôt que sur leur appartenance à un groupe à risque. À l’heure actuelle, c’est le contraire qui prévaut.

Une contre-indication « discriminatoire »

Beaucoup d’acteurs espéraient un avis plus favorable, à l’image du député socialiste de l’Isère, Olivier Véran, qui préconisait l’ouverture du don de sang aux homosexuels dans son rapport remis en juillet 2013.

Joint par « le Quotidien du Médecin », Olivier Véran a rappelé son opposition à la contre-indication permanente. S’il considère ne pas avoir « à contester ni à commenter » l’avis du CCNE, il déplore ce qu’il considère être une discrimination : « Si une personne déclare un rapport hétérosexuel non protégé, elle a quatre mois de contre-indication, alors que si elle avoue avoir couché, ne serait-ce qu’une fois, avec un homme, elle est exclue à vie du don de sang, fait-il remarquer. Il faut s’attendre à ce que la cour de justice de l’Union européenne (CJUE) considère cela comme une discrimination. » Olivier Véran – par ailleurs rapporteur de la loi de santé – fait référence à la décision préjudicielle qui sera rendue par le CJUE le 29 avril prochain. Cette décision concerne la plainte déposée par Geoffrey Léger, devant le tribunal administratif de Strasbourg, contre le ministère des Affaires sociales et de la santé.

En 2014, le CJUE avait déjà estimé discriminatoire l’exclusion des homosexuels du don de sang. La question de son ouverture aux homosexuels a été proposée dans plusieurs amendements à la loi de santé : un par Olivier Véran et deux par les groupes UDI et écologistes. Selon Olivier Véran, c’est le signe qu’il s’agit d’une « opinion qui est partagée par l’ensemble des bords politiques ».

Le défenseur des droits prend acte de la décision

Par la voie du responsable de son pôle santé, Loïc Ricour, le défenseur des droits « prend acte de la décision du CCNE. La situation n’est pas figée et si des évaluations scientifiques venaient à montrer une absence de surrisque de transmission en cas d’ouverture du don alors cette évolution pourra être envisagée ». Dès 2011, l’ancien défenseur des droits, Dominique Baudis, s’était prononcé contre l’interdiction faite aux homosexuels de donner leur sang.

Dans son avis, le CCNE cite en effet des travaux, publiés en 2012, dans le bulletin épidémiologique hebdomadaire. Selon ces résultats, le risque d’un don contaminant par le VIH serait multiplié par quatre si on appliquait uniquement une interdiction de don d’un an après le dernier rapport homosexuel. « Aujourd’hui, il y a une réflexion qui doit être initiée par la ministre de la Santé sur la modalité du don », estime Loïc Ricour.

Concernant la position adoptée par la CJUE, Loïc Ricour rappelle qu’elle n’oblige pas la France à changer sa politique. « Un groupe d’experts du Conseil de l’Europe s’est déjà réuni que le sujet et a recommandé de ne pas changer nos pratiques », rappelle-t-il.

Du côté associatif, les réactions sont aussi mesurées. Pour Hugues Fischer, fondateur d’Act-Up, « il y a des choses très justes dans l’avis du CCNE : il faut s’adresser aux gens comme à des individus et non comme à des membres de groupes plus ou moins à risque. Si on n’adapte pas le discours, il est vrai que l’on ne peut pas ouvrir le don aux homosexuels sans risque. » L’association AIDES a, pour sa part, décidé de ne pas commenter la décision du CCNE.

Damien Coulomb

Source : lequotidiendumedecin.fr