« Fière d'avoir fait bouger les lignes en psychiatrie », la CGLPL sur le départ, Adeline Hazan appelle à une nouvelle loi santé mentale

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Publié le 13/07/2020
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Crédit photo : AFP

Alors qu'elle quitte ses fonctions de Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) ce 16 juillet, Adeline Hazan se dit « fière d'avoir pu faire bouger les lignes » pour les patients hospitalisés en psychiatrie sans consentement, sa « priorité » pendant ses six années de mandat. 

Entre 2014 à 2020, les équipes du CGLPL ont visité 164 établissements de santé mentale, 133 établissements pénitentiaires, ou encore 168 commissariats et 144 gendarmeries, sans oublier de centres de rétention administrative ou des centres éducatifs fermés. « L'ensemble des établissements spécialisés en santé mentale ont été visités au moins une fois, à l’exception d’un seul » à cause de la crise sanitaire liée au Covid-19, résume Adeline Hazan. Toutes les unités pour malades difficiles (UMD) et  unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) ont aussi été contrôlées, précise-t-elle. 

Ces visites ont donné lieu à trois rapports (sur le recours à l’isolement et à la contention (en 2016), sur les droits fondamentaux des mineurs hospitalisés (en 2017) et sur les soins sans consentement en 2020) et quatre recommandations en urgence (centre psychothérapique de l’Ain, CHU de Saint-EtienneCH du Rouvray à Sotteville-lès-Rouen et CH Roger Prévot de Moisselles)

« Nouveau regard sur l'enfermement »

Adeline Hazan salue un nouveau regard sur l'enfermement en psychiatrie et observe une évolution de l'accueil réservé à ses équipes par les établissements de santé. « En 2014, il était fréquent que les visites du CGLPL soient mal comprises, parfois en raison d’un manque supposé d’expertise médicale – alors même que tel n’est pas le rôle du CGLPL – parfois car les praticiens rencontrés n’avaient pas conscience de priver les patients de liberté. Aujourd’hui, les visites donnent lieu à un accueil positif, voire à de véritables attentes », se félicite Adeline Hazan. 

Surtout, ses prises de parole documentées ont fait bouger le cadre législatif. Ainsi peu après le rapport du CGLPL sur le sujet, la loi de 2016 de modernisation de notre système de santé précise que l'isolement et la contention « sont des pratiques de dernier recours, uniquement pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision d’un psychiatre, et pour une durée limitée », avec surveillance stricte et consignation dans un registre.

Depuis, des précisions n'ont eu de cesse d'être apportées, à travers des recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de santé, une instruction du ministère de la santé adressée aux établissements psychiatriques et une mission sur le terrain lancée par la Direction générale de l'offre de soins. Fin juin, encore, le Conseil constitutionnel a ordonné au législateur de prendre des mesures, d'ici à six mois, pour que le maintien à l'isolement ou en contention en psychiatrie d'un patient soit contrôlé par un juge (à l'instar des soins sans consentement). Une décision qui répond à une recommandation du CGLPL, fait valoir Adeline Hazan. 

S'il n'a pas de « pouvoir d'injonction », le contrôleur général peut « peser sur les décisions de justice, les alimenter », souligne-t-elle. 

Plaidoyer pour une loi santé mentale 

Néanmoins, le respect des droits des patients en psychiatrie reste encore à géométrie variable, considère Adeline Hazan, qui trouve à la diversité des pratiques plusieurs explications : la disparité des doctrines de soins en psychiatrie, l'insuffisance des moyens humains et financiers des établissements de santé mentale et les difficultés du secteur médico-social (les hospitalisations sans consentement étant dépendantes de ce dernier en aval - pour prévenir une crise – comme en amont – pour assurer un rétablissement). 

La CGLPL regrette aussi que les droits des patients aient connu des restrictions lors de la crise liée au Covid-19, dans leur liberté d'aller et venir, leurs relations familiales, ou encore le lien avec le juge des libertés et de la détention ou leur avocat. Ses services ont notamment été saisis à deux reprises d'une situation d'enfermement abusif pour contraindre des patients au respect des règles du confinement. 

En conclusion, Adeline Hazan, dont le successeur n'est pas encore connu, fait part de son souhait de développer les prises en charge ambulatoires et de poursuivre la baisse des procédures de contrainte. « Une loi relative à la santé mentale demeure nécessaire », insiste-t-elle. Si une feuille de route existe bien depuis juin 2018, le monde de la psychiatrie ne cesse ces dernières semaines d'alerter sur les difficultés du secteur, qui pourrait être confronté à une vague de nouveaux patients fragilisés par la crise. 


Source : lequotidiendumedecin.fr