La chronique de Richard Liscia

France-USA, élections à haut risque : deux démocraties en danger

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Publié le 03/11/2016
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France Usa : élections à haut risque

France Usa : élections à haut risque
Crédit photo : AFP

Aux Etats-Unis, la campagne populiste de Donald Trump a donné lieu à d'effroyables excès de langage, une agressivité presque physique à l'égard de la candidate démocrate, des débats qui, tous, auraient pu aboutir à des procès en diffamation ; tandis que le programme d'Hillary Clinton était noyé par les accusations répétées dont elle fait l'objet, principalement au sujet de sa façon de travailler quand elle était secrétaire d'Etat, en confiant l'envoi de courriels à un serveur privé au lieu de les sécuriser grâce au serveur de son ministère.

Pratiquement, la polémique entre Trump et Clinton n'a jamais dépassé le niveau des attaques personnelles qui, si elles ont fait la joie des réseaux sociaux, ont considérablement entamé la confiance de l'électorat et son désir de se rendre aux urnes. Le pire, peut-être, c'est que l'homme chargé de veiller à la sécurité de 330 millions de citoyens, John Comey, directeur du FBI, a perdu le contrôle de ses nerfs. Ce républicain a oublié les devoirs attachés à sa fonction. A onze jours du scrutin (déjà commencé grâce au vote par correspondance), il a mentionné publiquement l'existence de nouveaux emails dont il affirme ignorer le contenu. Le seul effet de cette « révélation », c'est le resserrement de l'écart entre Trump et Clinton et l'impossibilité de faire tout pronostic. M. Comey aurait voulu ridiculiser un peu plus l'Amérique qu'il n'aurait pas agi autrement. Il a commis un extraordinaire abus de pouvoir en pesant sur le résultat d'élections générales. Il est probable que le vainqueur de la consultation aura beaucoup de mal à gouverner le pays, parce que le résultat sera contesté, parce que, dans les deux camps, la frustration sera immense, parce que personne ne sera content.

Un livre-bombe ravage la majorité

En France aussi, c'est la légitimité du scrutin qui est mise en question. De toute évidence, François Hollande a bel et bien l'intention de se présenter en tant que candidat du PS. Mais la publication du livre intitulé « Un président ne devrait pas dire ça » a ruiné le peu de crédibilité qu'il lui restait. Dans cet ouvrage, il y dit assez de mal de certains de ses proches pour qu'ils se retournent contre lui (c'est le cas de Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale, dont la colère ne diminue pas). Mais surtout, c'est la légèreté avec laquelle il a accepté de participer à la fabrication du livre, en se livrant sans réserves, en parlant comme si ses mots ne seraient pas publiés, en acceptant de ne pas corriger les épreuves, en laissant les auteurs libres de mettre le livre en vente à quelques semaines de sa décision de participer ou non à l'élection présidentielle, ce qui lui vaut aujourd'hui les pires sarcasmes. Et déclenche une sorte de crise feutrée entre le président et son Premier ministre, qui lui est loyal tout en ne l'étant pas, qui affirme servir le président tout en réduisant à néant sa crédibilité, qui ne cache pas sa fureur tout en jurant qu'il ne se mettra pas en travers de sa route, si toutefois M. Hollande maintient sa candidature. 

La droite n'est pas en meilleur état qui se déchire au sujet de François Bayrou, ami d'Alain Juppé mais dont Nicolas Sarkozy, désespéré par des sondages qui annoncent sa défaite à la primaire, essaie de renverser la tendance en créant un abcès de fixation autour du président du MoDem. L'ancien président refuse la participation de M. Bayrou à la primaire. Il est vrai que l'actuel maire de Pau a voté Hollande en 2012, ce qui ne peut être mis au crédit d'un homme qui se prétend centriste. L'offensive de M. Sarkozy n'a finalement qu'une raison : limiter les soutiens centristes à Alain Juppé, qui n'emportera la primaire que dans un cadre élargi. Il se trouve cependant que M. Sarkozy a accepté il y a longtemps que la primaire ne soit pas limitée aux Républicains. Une décision qui l'honorait, mais qu'il n'a pas fini de payer.

 

 

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du médecin: 9531