Une loi en préparation pour avril prochain

Guerre au crédit

Publié le 15/12/2008
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LE RSA (revenu de solidarité active) ayant été adopté dans la plus grande discrétion, il y a quelques jours, par le Parlement, l’inlassable Martin Hirsch ne s’est guère endormi sur sa belle victoire. Voilà qu’il s’en prend à une institution très active en France, le crédit à la consommation, et plus particulièrement aux crédits dits revolving qui enfoncent les consommateurs dans le surendettement. On partage la répugnance que le comportement des banques, qui tirent des plus pauvres le plus grand profit, inspire à M. Hirsch. Mais le crédit à la consommation représente 137 milliards d’euros d’encours et on dénombre 43 millions de comptes de prêts renouvelables. Autant dire que le crédit est profondément ancré dans les mœurs et qu’il ne peut être question de l’abolir. On peut en revanche se demander pourquoi le crédit à la consommation est consenti à des taux d’intérêt extraordinairement élevés (moyenne, 16 %) et atteint parfois, à plus de 20 %, le taux d’usure.

Les arguments des banques.

Les banques disposent de plusieurs arguments : les taux d’intérêt à court terme sont plus élevés que les taux à long terme (ceux qu’on applique aux achats immobiliers) ; en prêtant aux foyers les moins aisés, ceux justement dont les revenus sont insuffisants pour qu’ils puissent acheter sans crédit certains biens de consommation), elles prennent des risques. Et le risque, en la matière, est compensé par un taux plus élevé. Le gouvernement n’hésitera pas à leur répondre que la pratique du crédit à la consommation est clairement antisociale. Ce sont les pauvres qui ne parviennent pas à de désendetter et qui tombent dans la spirale infernale : ils empruntent pour rembourser des crédits pour lesquels ils étaient insolvables. En vérité, il n’y a pas d’autre solution que de contraindre les banques à prêter à un taux plus bas. Il s’agit donc plus de moraliser une pratique que de la supprimer. D’autant que le gouvernement souhaiterait, dans le même temps, inciter les banques à accorder des crédits aux 40 % de demandeurs qu’elles récusent.

Dans ces conditions, la réforme du crédit sera très difficile à mettre en place. Si les banques refusent d’accorder un crédit, c’est parce qu’elles estiment que le client n’est pas solvable. Si, pour ceux qu’elles considèrent comme solvables, elles imposent des taux élevés, quels taux vertigineux exigeront-elles des autres ? Si le gouvernement finit pas abolir la « prime de risque » qu’elles s’octroient, le système sera bloqué. Il faudrait, en réalité, que l’État, encore lui, garantisse les prêts, ce qui permettrait de réduire considérablement les taux d’intérêt, ou encore qu’il contraigne les institutions financières à travailler dans une fourchette étroite de taux.

Ni Mme Lagarde ni M. Hirsch n’ont, semble-t-il, de telles ambitions. Ils veulent peser dans le sens d’une baisse des taux ; ils veulent empêcher le réendettement ; ils veulent que les banques prennent plus de risques. Ce qui n’améliorera pas les relations déjà tendues entre le pouvoir et les banquiers, sommés récemment par Nicolas Sarkozy d’accorder sans barguigner des crédits aux PME, surveillés par le nouvel organisme que dirige René Ricol, houspillées par le pouvoir pour les responsabilités qu’elles ont prises dans la crise, et traînant une réputation sulfureuse depuis la même crise.

On aura noté, une fois de plus, que le gouvernement, loin de respecter les dogmes du libéralisme, les foule aux pieds avec jubilation. Il va intervenir dans un système, le crédit à la consommation, qui ne peut fonctionner que s’il n’y a pas, justement, d’intervention publique. Il va, enfin, apporter un peu de justice à ceux qui sont si mal payés qu’ils ne peuvent accéder aux produits de consommation de base. Il va tenter de mettre fin au scandale du surendettement. Mais est-il possible de demander à des banques qui, jusqu’à présent, n’ont jamais accompli une opération qui ne leur fût profitable (à elles et non à leurs clients), de jouer un rôle social et de financer le risque, non par des taux élevés, mais par la compassion ? Autant on approuve la démarche de Mme Lagarde et de M. Hirsch, autant on souhaite qu’elle réussise, autant on est sceptique sur leurs chances d’aboutir.

LES BANQUES NE REMPLACERONT PAS LEURS TAUX D’INTÉRÊT PAR LA COMPASSION

Christine Lagarde et Martin Hirsch : en finir avec le surendettement

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Médecin: 8481