Hydroxychloroquine : le gouvernement met fin à sa prescription dans le traitement du Covid-19

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Publié le 27/05/2020

Crédit photo : PHANIE

Baisser de rideau politique pour l'hydroxychloroquine : le gouvernement abroge par un décret publié au « Journal officiel » ce 27 mai, les dispositions dérogatoires qui autorisaient la prescription d'hydroxychloroquine (HCQ) contre le Covid-19 à l'hôpital, hors essais cliniques. « Que ce soit en ville ou à l’hôpital, cette molécule ne doit pas être prescrite pour les patients atteints de Covid-19 », explicite le ministre de la Santé Olivier Véran dans un communiqué.

Réaction en chaîne, du « Lancet » au HCSP

Cette décision intervient au lendemain de la publication d'un avis du Haut Conseil de la santé publique (HCSP) qui recommande de ne pas utiliser l’hydroxychloroquine (seule ou associée à un macrolide comme l'azithromycine) dans le traitement du Covid-19, chez les patients, ambulatoires ou hospitalisés, et ce quel que soit le niveau de gravité. Un avis qui fait lui-même suite à la parution dans « The Lancet » d'une nouvelle étude observationnelle suggérant une surmortalité et un surrisque d'arythmie ventriculaire chez les patients Covid traités par chloroquine ou HCQ.

Le décret abroge l'article 19 du précédent décret daté du 11 mai. Ce dernier, prolongeant un autre décret du 26 mars, précisait que l'hydroxychloroquine pouvait être « prescrite, dispensée et administrée sous la responsabilité d'un médecin aux patients atteints par le Covid-19, dans les établissements de santé qui les prennent en charge, ainsi que, pour la poursuite de leur traitement si leur état le permet et sur autorisation du prescripteur initial, à domicile ». Le traitement était en particulier indiqué pour les patients atteints de pneumonie oxygéno-requérante ou d'une défaillance d'organe.

Association lopinavir-ritonavir également concernée

Le décret du 11 mai prévoyait un cadre similaire à l'association lopinavir-ritonavir (commercialisé en France sous le nom Kaletra) : elle ne pourra donc plus être prescrite hors essais cliniques.

Mais pour revenir à l'hydroxychloroquine, sa prescription dans le cadre des essais cliniques devrait être pour le moins ralentie puisque l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) vient de lancer une procédure de suspension des inclusions de patients dans les 16 essais autorisés en France. Les patients en cours de traitement avec de l’hydroxychloroquine dans le cadre de ces essais cliniques pourront le poursuivre jusqu’à la fin du protocole, a néanmoins précisé l'agence. Elle rejoint en ce sens les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé qui a demandé la suspension temporaire des inclusions de patients dans le bras HCQ de son essai Solidarity, toujours à la suite de la publication du « Lancet ».

Analyse des données de Solidarity et Discovery

En outre, l'Institut de recherche INSERM confirme également avoir pris une décision semblable depuis le 24 mai dans le cadre de l'essai Discovery, en lien avec l'OMS. 

« Pendant cette suspension, les comités indépendants des deux études (Solidarity et Discovery) vont examiner conjointement les données déjà collectées dans l'objectif de rendre définitive ou non cette suspension », précise l'INSERM, ajoutant que les inclusions dans les autres groupes de traitement de l'essai Discovery (l'antiviral remdesivir, l'association lopinavir/ritonavir (Kaletra) et une combinaison de ces anti-rétroviraux avec l'interféron beta) continuent. « Une surveillance cardiologique de tous les patients recevant de l'hydroxychloroquine a été mise en place dans le protocole de l'essai depuis le début de l'étude », assure l'INSERM. 

« À la lumière de nouvelles données issues de la recherche clinique, à chaque fois que cela sera nécessaire, le rapport bénéfice/risque de ce traitement pourra être réévalué, et le HCSP une nouvelle fois saisi », promet enfin Olivier Véran.

L'impact délétère sur le système cardio-vasculaire de l'HCQ + azithromycine mis en évidence par une nouvelle analyse des données de l'OMS

Une analyse rétrospective et observationnelle des données de pharmacovigilance de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) publiée ce 27 mai dans «  Circulation » montre que la combinaison hydroxychloroquine et azithromycine peut avoir un impact délétère sur le système cardio-vasculaire.

L'étude à laquelle ont participé des chercheurs de Sorbonne Université, l'INSERM et l'AP-HP porte sur plus de 21 millions de rapports de cas d'effets indésirables, toutes classes de médicaments confondues, issus de plus de 130 pays, entre le 14 novembre 1967 et le 1er mars 2020, soit principalement avant la pandémie Covid-19. Elle compare les déclarations d’effets indésirables cardiovasculaires chez les patients ayant reçu de l'hydroxychloroquine, de l'azithromycine ou une association des deux médicaments aux déclarations d’effets indésirables cardiovasculaires liés à tous les autres médicaments présents dans la base de données.

Les chercheurs concluent que « des effets proarythmogènes cardiaques aigus potentiellement mortels ont été décrits principalement avec l'azithromycine mais aussi avec l'hydroxychloroquine. Leur combinaison a donné un signal plus important. L'hydroxychloroquine a également été associée à une insuffisance cardiaque potentiellement mortelle lorsque l'exposition était prolongée sur plusieurs mois ». Et d'appeler à garder à l'esprit ces effets cardiaques indésirables à l'égard des patients Covid qui peuvent présenter des facteurs de risque supplémentaires.


Source : lequotidiendumedecin.fr