La réélection de Mahmoud Ahmadinejad

Iran : le voile tombe

Publié le 16/06/2009
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Crédit photo : AFP

LE RYTHME DES ÉVÉNEMENTS aura été rarement aussi rapide. Le discours que M. Obama a prononcé au Caire la semaine dernière comportait une grande ouverture en direction du monde musulman. Il était salué par la défaite du Hezbollah aux élections libanaises. Au changement profond de l’attitude américaine correspondait clairement le désir de paix du monde arabe. Fallait-il pour autant attendre du régime iranien qu’il se laissât convaincre par la démocratisation ? Mir Hossein Moussavi, le candidat réformiste, n’en est pas moins un ancien Premier ministre qui a servi loyalement les mollahs. On ne les voyait pas renoncer à leurs prérogatives à l’occasion du scrutin de vendredi dernier. Derrière n’importe lequel des présidents élus, règne le « Guide suprême », Ali Khamenei, digne dépositaire du khomeinisme.

L’Iran n’est pas mûr pour le changement.

D’ailleurs l’élection n’opposait pas des soutiens au régime à des forces désireuses de s’en affranchir, mais des conservateurs à des réformistes, tous voués à la continuité d’une théocratie qui ne revêt les habits de la démocratie que pour mieux la contourner. S’il avait gagné, M. Moussavi n’aurait peut-être pas mieux fait que Mohamed Khatami, réformiste déclaré, qui a été président d’août 1997 à août 2005, et n’a tenté de d’atténuer les positions les plus intransigeantes des mollahs que pour être renvoyé dans les cordes. Ses partisans ont même fini par se lasser de lui. L’expérience khatamiste a été si peu convaincante que, en 2005, c’est Ahmadinejad qui a été élu. En d’autres termes, il était illusoire d’espérer une « révolution de velours » dont Ali Khamenei ne voulait pas.

Aussi odieux qu’il apparaisse aux yeux des occidentaux, Ahmadinejad bénéficiait d’ un soutien populaire, surtout chez les pauvres, en dépit de son incompétence totale dans la gestion de l’économie iranienne. Sa victoire massive, dès le premier tour, est certes suspecte. Mais la forte majorité qu’il a remportée ne peut pas être expliquée par la fraude uniquement. Ce que montre le scrutin, c’est que l’Iran n’est pas mûr du tout pour le changement, que ce changement ne peut pas venir de l’application des méthodes démocratiques à la sauce iranienne et qu’une nouvelle révolution semble hélas nécessaire pour que disparaisse le régime des ayatollahs. Aucun des quatre principaux candidats n’a fait campagne contre la théocratie ni contre l’arme nucléaire. Aucun ne pouvait se permettre de mettre en cause Ali Khamenei.

Ahmadinejad va justifier la répression par les menaces qui pèsent sur l’Iran isolé, même s’il est responsable de cet isolement. Moussavi n’a aucune chance d’obtenir l’annulation du scrutin qu’il réclame. La voix des émeutiers sera, tôt ou tard, étouffée par les pasdarans, les Gardes de la révolution.

Un problème grave pour Obama.

Américains et Européens se sont bien gardés de féliciter le président réélu et tous expriment des réserves sur les conditions dans lesquelles le scrutin s’est déroulé. Il n’empêche que la victoire, méritée ou non, d’Ahmadinejad, pose à Barack Obama un problème grave. Elle donne un effet un coup d’arrêt à une politique d’ouverture rejetée par le régime iranien. Elle va servir d’argument supplémentaire au gouvernement israélien qui pose des conditions à la réouverture des négociations avec les Palestiniens ; elle sera critiquée comme une forme d’angélisme par les républicains. M. Ahmadinejad, qui n’a jamais montré, jusqu’à présent, qu’il était sensible aux pressions diplomatiques, poursuivra sa politique faite principalement de provocations et n’hésitera pas à annoncer la poursuite des efforts iraniens pour enrichir l’uranium et pour parvenir, sans le dire, à la mise au point d’une arme nucléaire.

Dans ces conditions, M. Obama, qui a démontré sa capacité à aller au devant de l’adversaire, devra rassurer les Américains sur sa capacité à brandir le bâton quand il le faut. S’il n’y a aucun mouvement en direction de la négociation du côté iranien, les États-Unis seront bien contraints d’adopter de nouvelles sanctions contre l’Iran, ce qui ne facilitera guère la tâche de l’opposition, ou de ce qui en restera au terme de quelques semaines de répression. Peut-être est-il temps d’admettre, après ce vote, que le régime iranien ne risque pas de s’amender dans l’avenir prévisible, qu’il faut donc durcir les termes du dialogue ou de ce qui en tient lieu entre les Occidentaux et Téhéran, rallier au point de vue américano-européen cette partie du mode arabe que la bombe iranienne terrifie.

Il n’y a au demeurant aucune crainte à avoir sur une détérioration de la crise qui conduirait à une guerre. M. Obama n’en veut pas, qui a déjà l’Irak, l’Afghanistan, le Pakistan et la Corée du Nord à gérer et qui exercera toutes les pressions sur le gouvernement israélien pour qu’il ne se livre pas à une attaque préventive contre l’Iran. Ce qui est en question, c’est la politique étrangère du nouveau président, qui est tenu d’élargir l’éventail de ses options et ne saurait se contenter du respect dû à l’islam et à une bonne défense des droits de l’homme partout dans le monde. La semaine dernière, dans son discours du Caire, il avait même trouvé une certaine légitimité au Hamas, qui a gagné des élections législatives en janvier 2006. M. Obama a en outre exclu le mot « terrorisme » de son vocabulaire. Mais il ne peut pas se contenter de faire preuve d’une bonne volonté qui n’est efficace que dans la mesure elle amadoue les forces hostiles à l’Amérique. Ces considérations n’enlèvent rien à la qualité du discours magistral qu’il a prononcé le 8 juin dernier et qui restera dans les annales comme l’amorce d’un changement de politique historique. Malheureusement, M. Obama doit aussi tenir compte de la réalité des faits.

OBAMA A MONTRÉ SA BONNE VOLONTÉ, IL DOIT AUSSI MONTRER LES DENTS

Scène d’émeute à Téhéran

RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr