IVG : le Sénat rejette un amendement voulant instaurer un délit d'entrave numérique

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Publié le 29/09/2016
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Crédit photo : S. TOUBON

La commission spéciale du Sénat chargée du projet de loi égalité et citoyenneté a rejeté un amendement du gouvernement destiné à élargir le délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) aux sites Internet qui véhiculent des informations « biaisées » sur l'avortement.

L'amendement déposé à l'initiative de la ministre des Familles, de l'Enfance et des Droits des femmes Laurence Rossignol reprend une recommandation formulée en 2013 par le Haut Conseil à l'égalité (HCE) dans son rapport DE 2013 relatif à l’information sur l’avortement sur Internet. Le HCE avait d'ailleurs salué la décision gouvernementale. « Le délit d'entrave, institué en 1993 pour lutter contre les "commandos" réactionnaires qui agressaient ou tentaient de dissuader les femmes aux abords des centres IVG, doit s'adapter aux nouveaux usages numériques et aux stratégies développées ces dernières années par les lobbies opposés à l’IVG », déclarait le HCE dans un communiqué.

Un délit passible de 30 000 euros

Le délit, passible de deux ans de prison et 30 000 euros d'amende, a été élargi en 2014 à l'accès à l'information, mais ne concerne pour l'instant que les hôpitaux ou autres établissements. La fédération des CIDFF (centres d’information sur les droits des femmes et des familles) avait aussi salué cette proposition de délit d'entrave numérique. « Dissuader les femmes de recourir à un droit acquis depuis le 17 janvier 1975 est inacceptable », indiquait-elle.

Avant même la discussion au Sénat, la commission, composée majoritairement d'élus de droite, vient donc de qualifier l'amendement d'irrecevable aux termes de l'article 45 de la Constitution et a jugé qu'il constituait un cavalier législatif, c'est-à-dire qu'il était hors sujet par rapport à l'ensemble du projet de loi. Laurence Rossignol et Patrick Kanner, le ministre de la Ville, ont réagi dans la foulée, regrettant « fortement que la majorité sénatoriale ait décidé d'écarter cet amendement ». Et ils ajoutent : « Sous prétexte que cet amendement n'aurait pas de lien, "même indirect", avec le projet de loi du gouvernement, qui parle pourtant d'égalité, le débat est refusé sur un sujet majeur pour l'égal accès des femmes à leurs droits. » Ils regrettent que « par un artifice de procédure, la majorité sénatoriale évite donc le débat sur lequel, manifestement, elle n'a pas levé ses ambiguïtés ».

Vers une commission paritaire

Selon le chef du groupe PS au Sénat Didier Guillaume, « la droite sénatoriale confirme malheureusement la fragilité du droit à l'avortement, plus de quarante ans après l'adoption de la loi Veil ».
Les deux ministres ne précisent pas s'ils comptent réintroduire leur amendement devant l'Assemblée. Le débat en première lecture du projet de loi égalité et citoyenneté est prévu devant le Sénat du 4 au 12 octobre. Un vote aura lieu le 18 octobre. Il fera ensuite l'objet d'une commission mixte paritaire chargée de trouver un accord entre les deux chambres. En cas d'échec, probable, l'Assemblée, qui l'a déjà adopté en première lecture, aura le dernier mot.


Source : lequotidiendumedecin.fr