La France en passe d’être désarmée en 2014 face à la syphilis

Publié le 16/12/2013
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EST-ON EN TRAIN de revenir plus d’un demi-siècle en arrière dans le traitement de la syphilis, avant la découverte de la pénicilline retard ? Avec la rupture de stock d’extencilline annoncée pour début 2014, les choses s’annoncent mal en l’absence d’alternative réelle. « L’Association française de dermatologie a déjà tiré la sonnette d’alarme, s’inquiète le Pr Michel Janier, dermatologue vénérologue à l’hôpital Saint-Louis (Paris). Des difficultés nous ont déjà été signalées dès le début de l’automne dans plusieurs villes, notamment en Bretagne ». La situation est pour le moins préoccupante, car si pour l’ANSM, « il ne s’agit pour le moment que de tensions d’approvisionnement avec un retard à la mise en route de l’extencilline, sans qu’il n’y ait de réelle impossibilité de traiter », l’autorité de santé ne s’est pas encore prononcée sur les solutions de remplacement pour la période critique à venir.

L’Extencilline, utilisée principalement en pédiatrie dans la prévention du rhumatisme articulaire aigu (RAA) et chez l’adulte dans le traitement de la syphilis précoce, présente l’avantage de garantir un taux sérique stable de pénicilline pour une durée de 15 jours - 3 semaines avec 1 seule injection IM. « S’il existe des alternatives acceptables dans le RAA ou la prévention de l’érysipèle, aucune des autres options n’est validée dans la syphilis, souligne le dermatologue parisien. Ni la pénicilline orale, ni les céphalosporines orales. Quant aux injections quotidiennes de Rocéphine, elles posent un problème d’observance, tout comme les cyclines, qui par ailleurs sont contre-indiquées chez les femmes enceintes et les enfants ».

La chaîne de fabrication en cause.

Quant aux raisons invoquées à cette rupture de stock, les laboratoires Sanofi Aventis, qui sont en situation de monopole dans l’hexagone, mettent en avant un problème dans la chaîne de fabrication, au niveau du fournisseur d’excipient. « Difficile d’en savoir davantage, explique le Pr Janier. Les industriels se retranchent derrière le secret professionnel ». Certes, les réglementations européennes, de plus en plus contraignantes, compliquent effectivement la production, puisque l’exigence des normes fixées décourage les entreprises locales et fait se priver de nombreux fournisseurs étrangers. Mais les médecins s’inquiètent de choix guidés par des impératifs de rentabilité au détriment des malades et qui tendent à se multiplier. « Ce ne sera pas la première fois en dermatologie, poursuit le dermatologue. Actuellement, la situation est catastrophique avec la rupture d’Ascabiol pour le traitement de la gale chez les enfants ».

Ni l’ANSM ni les laboratoires Sanofi Aventis n’ont souhaité s’exprimer sur les solutions étudiées, « pour ne pas compromettre les négociations en cours ». La résolution de la rupture de stock pourrait survenir courant février prochain selon toute vraisemblance, sans que l’information ne soit confirmée. L’ANSM prévoit de communiquer les propositions retenues début janvier, « peut-être avant ». On compte en France environ 5 000 cas par an de syphilis précoce, dont une centaine à l’hôpital Saint-Louis.

Dr IRÈNE DROGOU

Source : Le Quotidien du Médecin: 9289