« Changement de modèle » au SSA

La médecine militaire va rejoindre la stratégie nationale de santé

Publié le 02/12/2013
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RISQUE NRBC ou pandémie grippale de 2009, la collaboration entre les moyens de la médecine militaire et ceux du service public de santé en temps de crise sanitaire n’est pas nouvelle, a rappelé Jean-Yves Le Drian, lors de la présentation du projet « SSA 2020 ». Mais, annonce le ministre, avec ce projet, le SSA ne sera plus un simple opérateur qui apporte ses moyens à la résilience de la nation, en cas d’événements graves, il interviendra en amont dans la gestion des crises. Et il va intégrer la nouvelle stratégie nationale de santé, à part entière. L’y pressent à la fois le principe de réalité budgétaire, avec les économies annoncées dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, et les redéploiements qui affectent le monde de la santé, en particulier la territorialisation, avec les ARS (agences régionales de santé). Si les 9 hôpitaux d’instruction des armées gardent leur place, ils sont appelés à « co-contractualiser leurs objectifs sur certaines fonctions, comme l’odontologie » et à s’ouvrir au service public de santé, pour diminuer les coûts et maintenir les performances. Concrètement, au sein de chaque ARS, selon les réseaux, les partenariats et l’interopérabilité capacitaire des systèmes de soins, l’offre des HIA va donc être revue.

Finis l’isolement des établissements qui fonctionnaient en vase clos, la dispersion des activités et la lourdeur de gouvernance. Place au décloisonnement entre acteurs, au rééquilibrage des ressources entre soin et prévention et à des partenariats territoriaux qui garantissent l’égalité d’accès aux soins. Suivant les territoires de santé, des services vont donc fermer, et pas seulement en odontologie. Comme l’explique le médecin général Jean-Marc Debonne, directeur central du SSA, « l’hôpital est extrêmement consommateur de moyens et de ressources et si nous n’appliquons pas la réforme, alors le parc hospitalier militaire n’accaparerait plus seulement 60 % de notre budget, mais beaucoup plus », avec une menace de dégradation de la qualité du service rendu.

Une chaîne de santé opérationnelle.

Ce service, c’est aussi le soutien santé opérationnel, autre cœur du projet SSA 2020. Un soutien qui s’avère crucial à chaque déploiement, insiste le ministre, qui cite : « Hier l’Afghanistan et la Lybie, aujourd’hui le Mali, la Jordanie, avec l’opération Tamour qui a permis de prendre en charge un grand nombre de blessés de la guerre en Syrie, sur le camp de réfugiés de Zaatari. Demain, ailleurs en Afrique, pour ne pas nommer la RCA ». Le projet veut accroître l’efficacité de la médecine des forces qui déploie une chaîne santé opérationnelle complète, depuis la préparation médicale du combattant jusqu’à la réinsertion professionnelle et sociale du personnel blessé ou malade, avec des efforts accentués, par exemple, dans la prise en charge des blessures psychiques.

Cette médecine des forces ne concerne pas seulement les OPEX (opérations extérieures), mais l’ensemble du territoire, elle s’y appuie sur chacun des CMA, les centres médicaux des armées qui avaient été créés par la réforme de 2008, une réforme aujourd’hui qualifiée d’insuffisante. Là encore, c’est l’intégration à la future stratégie nationale de santé qui est visée, en donnant la priorité aux activités de médecine générale, pour constituer le véritable pivot du parcours de santé du militaire, selon les territoires de santé. Comme à l’hôpital, une démilitarisation du SSA se profile sans dire son nom, qui va affecter en profondeur l’organisation et le mode de gouvernance. « Ce n’est pas une simple évolution du SSA », prévient en effet Jean-Yves Le Drian, qui se dit conscient des « craintes naturelles » suscitées par une telle mutation. Pour y répondre, la mise en œuvre du projet se fera « dans la concertation à tous les échelons, progressivement, sans précipitation, en respectant le personnel qui s’investit au quotidien ». En particulier, les praticiens de la médecine des forces feront l’objet de « mesures de reconnaissance et de valorisation ».

La perspective annoncée pour 2020 donne du temps et même elle pourrait être remise à 2025, relève un groupe de médecins militaires, qui réagissent auprès du « Quotidien ». Faisant état d’un sentiment général au sein du service, ces praticiens pronostiquent une diminution des effectifs, qui pourrait atteindre 10 à 15 %, principalement au sein des HIA. Mais pas de quoi, selon eux, susciter des mouvements de protestation, comme pour la suppression d’unités, ou de régiments.

CHRISTIAN DELAHAYE
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Source : Le Quotidien du Médecin: 9285