Santé et maladie chez les Amérindiens

La parole à des populations négligées

Publié le 15/11/2011
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Crédit photo : NLM/E. DÉSHAUN WILLIAMS

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Crédit photo : NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE

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Crédit photo : NLM/B. PEGRAM

DE NOTRE CORRESPONDANTE

C’EST « une admiration croissante (…) pour le sens de responsabilité personnelle par rapport à la santé » des populations d’origines de l’Amérique, qui a conduit le Dr Donald Lindberg, directeur de la Bibliothèque nationale de médecine (NLM) des États-Unis à leur offrir une plate-forme pour exposer leurs convictions et leurs savoirs et décrire leurs expériences, indique-t-il dans une vidéo d’introduction à l’exposition.

Conçue avec leur participation, et respectant la tradition orale, l’exposition consiste principalement en une série d’interviews recouvrant les divers aspects de la vie de ces peuples qui, bien que très divers dans leurs croyances et leurs pratiques, partagent une approche holistique de la santé, où la communauté, la spiritualité et la nature jouent un rôle prépondérant.

Les autochtones américains y décrivent comment leur bien-être individuel et communautaire a été affecté au cours des siècles par les épidémies, souvent venues d’Europe, les décisions politiques, la confiscation de leurs terres, l’interdiction ou l’impossibilité de pratiquer leurs activités de subsistance et finalement les tentatives d’inhibition de leur culture. « Ces traitement brutaux et injustes » ont eu pour conséquence « la perte de la dignité et de la raison d’être, (ce qui) affecte sérieusement la maladie et la récupération », commente Donald Lindberg. Et c’est donc aussi pour contribuer au retour au respect qui leur est dû que celui-ci leur donne la parole.

« La société occidentale n’a aucune idée de ce que représentent la culture, la tradition et la guérison » pour les peuples autochtones, dit au « Quotidien » Maynard Eakan, guérisseur – ou docteur tribal – Iñupiaq et ancien conseiller en matières d’alcool et de drogues illicites de la ville de Kotzebue, sur la côte nord-ouest de l’Alaska. Le rôle du docteur tribal, explique-t-il, n’est que celui de médiateur dans un processus de guérison qui est accompli par le patient.

Le rôle des cérémonies.

Les cérémonies jouent un rôle essentiel, parce que les états physique et spirituel sont intimement liés et doivent être traités ensemble. Ces cérémonies engendrent le bien-être en reflétant les conceptions dans la culture concernée, de l’Esprit, du Créateur et de l’Univers. Elles peuvent inclure des prières, des chants scandés, des battements de tambour, des chansons, des histoires et l’usage d’objets sacrés divers. « La plupart des cérémonies tribales ont spécialement pour objet toute l’humanité, la plupart des tribus ne prient pas seulement pour elles-mêmes », précise Maynard Eakan.

Parmi les représentations sacrées, la roue de médecine est utilisée par de nombreuses tribus. Elle incarne les quatre points cardinaux ainsi que le Père Ciel, la Mère Terre et l’Esprit Arbre, qui symbolisent tous des dimensions de la santé et des cycles de vie. Le mouvement, dans la roue de médecine et dans les cérémonies, est circulaire et dans le sens des aiguilles d’une montre ou dans le « sens du mouvement du soleil » pour s’aligner avec les forces de la Nature.

« Le totem guérisseur est important pour les cultures de la côte pacifique nord-ouest et de l’Alaska », indique au « Quotidien » Fred Wood, expert de la NLM. Le totem qui vient d’être installé dans le jardin d’herbes aromatiques face à l’entrée principale de la NLM y est arrivé après un voyage de plus de 7 000 km. Il a été sculpté par Jewell James, un citoyen de la Nation Lummi du nord-ouest de l’État de Washington. Érigé sur le campus des Instituts nationaux de la santé (NIH), dans le Maryland, il est là pour promouvoir la bonne santé et la guérison et constitue un signe de solidarité avec les chercheurs. Les histoires qui y sont décrites incluent, entre autres, les symboles du ciel, de la terre et de l’eau et illustrent le pouvoir créatif et la sagesse des femmes en tant que leaders et guérisseuses.

Enfin, les peuples Amérindiens et les aborigènes d’Alaska et d’Hawaï ont utilisé tout au long de leur histoire les plantes locales pour différents usages sacrés et médicaux. « Les aborigènes d’Amérique connaissent tout ce qui se trouve dans un rayon de 80 km autour d’eux », commente Maynard Eakan. Parmi les usages médicaux, on peut citer celui des feuilles et de l’écorce du saule, qui contiennent un précurseur de l’aspirine, pour soulager les douleur. Un grand nombre de plantes indigènes ont également formé la base du régime alimentaire avant le contact avec les Européens.

Ancien et moderne.

Aujourd’hui, face à l’état sanitaire défavorable des populations autochtones, les initiatives qui rencontrent le plus de succès sont celles qui donnent des responsabilités aux groupes concernés et associent coutumes anciennes et méthodes nouvelles. À Hawaï, par exemple, pour tenter de combattre les « calories vides », les matières grasses et les additifs de la société contemporaine, et promouvoir une alimentation plus équilibrée, un programme recommande le retour à consommation des plantes indigènes. Le Dr Benjamin Young, un Hawaiien de souche, résume ainsi le bien-fondé du mariage ancien-moderne : « La connaissance s’acquiert à partir de nombreuses écoles. »

Heureux de l’hommage rendu par la NLM, les participants aux événements d’inauguration du totem et de l’exposition, sont plusieurs à dire, comme Maynard Eakan : « Nous attendons cela depuis longtemps. » Mais, souligne le Dr Marjorie Mau, endocrinologue et professeure à l’université d’Hawaï : « Ce n’est que le début du voyage, une voix qui dit d’où nous venons …» Car, comme le constate Fred Wood : « Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. »

* Une version abrégée de l’exposition « Native Voices » en anglais est visible sur le site www.nlm.nih.gov/nativevoices/exhibition/index.html

ISABELLE TROCHERIS

Source : Le Quotidien du Médecin: 9041