Après la controverse sur le vaccin contre la grippe A/H1N1

La perte de confiance des Français dans la vaccination est avérée

Publié le 07/11/2013
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Crédit photo : AFP

Tableau Attitudes

Tableau Attitudes
Crédit photo : INPES

« NOS RÉSULTATS suggèrent fortement que l’épisode de 2009 a eu un impact spectaculaire sur l’attitude face à la vaccination en général, au moins chez les Français », relèvent P. Peretti-Watel et col. Les auteurs ont analysé les données du Baromètre santé de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) de 2000, 2005 et 2010. Si de nombreuses études ont tenté de déterminer les facteurs qui ont influencé les comportements face au vaccin pandémique, leur travail est l’un des seuls à étudier spécifiquement les conséquences de la controverse sur l’attitude des Français. Le recueil des données pour le Baromètre 2010 qui s’est étendu d’octobre 2009 à juin 2010 leur a permis d’observer directement les éventuels changements au cours de la campagne de 2009.

Changement profond en 2010.

Pour chaque enquête du Baromètre, un échantillon représentatif de la population française âgée de 12 à 75 ans (15 à 85 ans en 2010) a été interrogé. L’analyse porte sur les données des répondants âgés de 18 à 75 ans : 12 256 en 2000, 23 931 en 2005 et 8 573 en 2010.

Entre 2000 et 2005, l’étude ne met en évidence aucun changement notable quant à la répartition des comportements face à la vaccination. En particulier, les Français se déclarent en très grande majorité favorables ou très favorables à la vaccination. Seulement 8,5 % en 2000 et 9,6 % en 2010 avouent y être défavorables ou très défavorables. Parmi ces derniers, respectivement 22 % et 16 % affirment être opposés à tous les vaccins, les autres étaient spécifiquement opposés à un type de vaccin : 24 % et 20 % d’entre eux sont opposés au vaccin contre la grippe saisonnière, 24 et 37 % à celui contre l’hépatite B, 9 % et 8 % au vaccin contre la rougeole et 9 % en 2000 et 2005 déclaraient être spécifiquement contre le vaccin contre la tuberculose.

En 2010, l’attitude des Français change radicalement avec une proportion des personnes se déclarant en défaveur ou très en défaveur de la vaccination atteignant les 38,2 %. Et parmi ces derniers, près de la moitié (50 %) s’est spontanément déclarée contre la vaccination avec le vaccin pandémique. Les auteurs ont pu observer des variations au cours de la période : en octobre 2009, la proportion d’attitudes négatives était de 31 % avec un pic allant jusqu’à 40-41 % en décembre 2009 et janvier 2010 au plus fort des critiques contre les autorités françaises et internationale (OMS) accusées d’avoir exagéré la menace d’une pandémie. Le taux de réponses en défaveur de la vaccination n’a commencé à diminuer qu’en mars 2010 (31 % en juin). Les auteurs soulignent que les craintes sur l’innocuité du vaccin lui-même ont commencé à être relayées dans les médias à partir de novembre 2009 alors que le taux des déclarations en défaveur de la vaccination en général avait dépassé les 31 % dès le mois d’octobre. Les premières critiques quant à la gravité supposée de la pandémie sont apparues en juillet 2009.

Si l’analyse souligne le fort impact de la campagne vaccinale de 2009, la chronologie des événements suggère, selon les auteurs qu’elle « pourrait ne pas être la cause unique » de ce désaveu de la vaccination.

Facteurs socio-économiques.

Ce d’autant que l’analyse des facteurs socio-économiques associés aux attitudes défavorables à la vaccination met en évidence une perte de confiance des Français les plus défavorisés vis-à-vis des autorités. En 2000 et 2005, les femmes étaient plus nombreuses à exprimer leur opposition, de même que les plus âgés (65 à 75 ans). Si le salaire est prédictif d’une attitude favorable, le niveau éducation ou la présence d’un enfant dans la famille n’avait pas d’influence significative sur l’attitude des répondants. Au contraire de 2010, où les attitudes défavorables à la vaccination étaient plus fréquentes chez les personnes de faible niveau scolaire et parmi ceux qui n’avaient pas au moins un enfant de moins de 4 ans à leur domicile. Le fait d’être une femme n’est plus en 2010, un facteur discriminant alors qu’une différenciation sociale apparaît probablement liée à la confiance accordée aux autorités de santé et à l’industrie pharmaceutique qui diminue avec le niveau socio-économique. Selon les auteurs, ce changement exprimé en 2010 pourrait se traduire plus profondément dans les comportements des Français dans les prochaines années, notamment en termes de couverture vaccinale. « Il est urgent pour les autorités de tenir compte de cette perte de confiance dans la vaccination », concluent-ils.

 Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : Le Quotidien du Médecin: 9278