Rapport annuel de la Cour des comptes

La santé des prisonniers victimes des failles de l’administration

Publié le 13/02/2014
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En 2012, la prise en charge sanitaire des détenus s’élevait à plus de 344 millions d’euros. Malgré d’importants efforts impulsés par la loi de 1994 qui a confié leurs soins à des équipes médicales rattachées à des hôpitaux, et non à l’administration pénitentiaire, elle reste lacunaire.

De grandes disparités existent dans la prise en charge somatique. Les professionnels de santé, en particulier les spécialistes, sont mal répartis sur le territoire, traduction de la démographie médicale et du manque d’attractivité de la médecine en prison. À cet égard, la lente rénovation des locaux n’est pas un signe positif, juge la Cour, qui propose de l’inscrire dans la relance des investissements des établissements de santé. Elle encourage l’utilisation d’outils informatiques (dossier médical personnel, télémédecine).

La carence en soins psychiatriques est criante : seules 7 des 17 unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) fonctionnent en 2013, et 20 régions sur 26 disposent d’une offre d’hospitalisation de jour.

Accès aux soins.

Les Sages épinglent l’absence de coordination des acteurs, pénitentiaires et sanitaires, comme un obstacle majeur dans l’accès aux soins et à la couverture sociale des détenus. Si des progrès ont été rendus possibles grâce à des protocoles cadres et des formations communes, la coopération avec les équipes médico-psychologiques régionales doit être renforcée, notamment en vue de la sortie de prison. Des consultations post-pénales pourraient jouer le rôle de sas avec les structures de droits communs. L’inclusion des détenus dans le champ de la couverture maladie universelle (CMU) serait à envisager.

Plus profondément, « il faut rester fidèle à la loi de 1994 qui affirme une politique de santé publique avec des indicateurs de moyens et de résultats », résume au « Quotidien » Antoine Durrleman, président de la 6e chambre. Et de regretter que la démarche de santé butte trop souvent sur les contraintes pénitentiaires. Concrètement, les sages demandent aux agences régionales de se mobiliser et d’inclure dans leurs schémas d’organisation un volet relatif aux soins des détenus et suggèrent une redéfinition des modalités de financement. « Nous attendons beaucoup de la Stratégie nationale de Santé qui doit faire de cette question une de ses priorités », conclut Antoine Durrleman.

Coline Garré

Source : Le Quotidien du Médecin: 9301