Une détenue décède à Fleury-Mérogis

L’accès aux soins derrière les barreaux en question

Publié le 08/11/2012
Article réservé aux abonnés
1352341138386817_IMG_93202_HR.jpg

1352341138386817_IMG_93202_HR.jpg
Crédit photo : AFP

Me SERVANE CROSNIER s’est constitué partie civile pour le mari, incarcéré à la maison d’arrêt de Fresnes, et les 7 enfants de la jeune femme croate, pour avoir accès à toutes les pièces du dossier. Elle a également déposé plainte au nom de la co-détenue. En résumé, elle est décidée à sortir l’affaire du silence, parce que « les problèmes d’accès aux soins en prison sont récurrents ». L’autopsie de la victime devait avoir lieu mercredi, suivie d’analyses toxicologiques et médicales. Mais les premiers éléments suggéreraient de plusieurs négligences. Selon son avocate, la jeune femme, incarcérée pour vol depuis septembre, souffrait d’antécédents cardiaques et était sous traitement. Le jeudi 1er novembre, elle se sent mal lors de la promenade de 15 heures et remonte précipitamment avec sa co-détenue. Elle se plaint de douleurs et d’engourdissements dans les bras, les épaules, et le thorax. Plusieurs surveillantes se seraient succédé jusqu’au soir dans la cellule des femmes, qui, à 22 heures, donnaient encore l’alerte. Le médecin de garde aurait été appelé : très occupé dans le quartier des hommes ce jour de Toussaint (un détenu a notamment eu le doigt sectionné après avoir été mordu par un autre prisonnier), il se serait dit débordé et ne se serait pas déplacé. Selon François Bès, coordinateur des actions de l’Observatoire international des prisons (OIP) en Ile-de-France, il aurait néanmoins été présent à la MAF vers 17-18 heures afin d’examiner les nouvelles arrivées. La co-détenue s’est endormie à 3 heures du matin. Lorsqu’elle s’est réveillée à 7 heures, sa camarade était décédée.

Funestes retards.

« Pourquoi le médecin n’a-t-il pas demandé aux surveillantes d’appeler le 15 s’il était débordé », s’interroge Me Crosnier. François Bès se pose la même question. « Qu’a dit le gradé qui lui a téléphoné : a-t-il utilisé des termes précis susceptibles de l’alerter ? »

Ce drame pointe les difficultés de l’accès aux soins en prison. « Les détenus vivent la même angoisse tous les soirs : est-ce qu’un surveillant, est-ce qu’un médecin va m’entendre », explique François Bès. La prison de Fleury-Mérogis, qui compte plus de 3 800 détenus répartis sur 3 sites, est l’une des très rares structures carcérales à disposer d’un médecin de garde à l’Unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA), qui dépend de l’hôpital Sud Francilien de Corbeil-Essonnes. Ailleurs, l’UCSA est ouverte de 8 heures à 17 heures, et le week-end des infirmières assurent une présence a minima. En cas d’urgence, le surveillant doit appeler le 15.

Selon François Bes, ce dispositif présente 2 écueils majeurs. D’abord, les détenus en souffrance n’ont pas accès directement au médecin régulateur du 15. Ils doivent alerter le surveillant lors de sa ronde. Celui-ci, qui n’a pas les clefs, évalue la situation à travers l’œilleton et choisit d’alerter le gradé qui peut prévenir le SAMU et décrire la situation du détenu.

Les retards de prise en charge sont ensuite très fréquents, selon l’OIP. « Lorsqu’une ambulance ou les pompiers arrivent devant la prison, ils doivent passer tous les contrôles. Les détenus qui écoutent la campagne du ministère de la Santé sur l’importance d’agir vite face à un accident vasculaire cérébral s’inquiètent », rapporte François Bès. « Nous demandons au moins une présence infirmière 24h sur 24, et l’accès direct pour le détenu à un soignant », résume-t-il.

Selon les chiffres officiels, 39 détenus seraient décédés de causes naturelles et 83 se seraient suicidés sur les huit premiers mois de 2012. En juillet, un prisonnier avait succombé à la suite d’un AVC à la maison des hommes de Fleury-Mérogis. Après le décès de la détenue vendredi, certaines femmes ont refusé de remonter de promenade l’après-midi et de dîner le soir. Samedi, les « auxis » (détenues ayant droit de travailler) portant les plateaux-repas ont fait grève, soutenues par leurs collègues des cuisines.

 COLINE GARRÉ

Source : Le Quotidien du Médecin: 9186