Éditorial

L'autre danger

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Publié le 28/04/2020

Voilà un peu plus d’un mois que la France est en état d’urgence. Avec, à 15 jours de la sortie du confinement, un bilan mitigé. On mesure les bénéfices de ce régime de restriction des libertés : près de 60 000 morts évités, nos capacités de réa préservées de l’implosion et un taux de reproduction de l’épidémie qui amorce malgré tout sa décrue.

En même temps, pour le modèle de santé français et pour l’économie en général, le séisme est d’une telle intensité que l’on ignore au juste jusqu’où s’arrêtera l’onde de choc. Financièrement, le déficit de la Sécu explose, sous l’effet conjugué de l’effondrement des recettes et de l’inflation des dépenses. Du jamais-vu à ce niveau, même après la crise de 2008. Sur le plan sanitaire, la France n’a pas fini de panser ses plaies, de soigner ses malades et d’enterrer ses morts. L’Hexagone a dépassé le sinistre bilan de la canicule de 2003. Et ce n’est pas terminé.

D’autant que les retombées sur la santé des populations pourraient aller au-delà de l’épidémie proprement dite. Il y a plusieurs semaines, la Société française de cardiologie a tiré le signal d’alarme sur la diminution massive des admissions en urgence pour infarctus ou AVC. Plus récemment, l’AP-HP a fait état d’une chute d’activité importante de l’activité médicale hors Covid. La CNAM et l’ANSM évoquent une baisse de moitié sur certains vaccins pour les enfants. Et on s’inquiète aussi du retard pris sur les dépistages de cancers.

Les causes de cette désaffection s’expliquent à la fois par la peur des Français, une mauvaise compréhension des consignes de confinement et la crainte de déranger. Et cela préoccuppe les décideurs. « Venez à l’hôpital ! », martèle Martin Hirsch, patron de l’AP-HP. « Faites-vous soigner ! », lance en écho le ministre de la Santé, Olivier Véran, alors que ses services commencent à réorienter prudemment l’activité des établissements vers le hors Covid. L’enjeu est de taille : il s’agit d’éviter qu’une deuxième crise ne s’ajoute à la première.

Jean Paillard

Source : Le Quotidien du médecin