Le contrôleur général des lieux de privation de liberté lutte pour le respect des droits fondamentaux

Publié le 17/03/2023
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Le contrôleur général des lieux de privation de liberté veille au respect des droits fondamentaux des personnes dans les centres de rétention ou certains établissements de santé. Une institution essentielle qui manque néanmoins de reconnaissance auprès des décideurs politiques.

Crédit photo : Burger/Phanie

Parmi les 24 autorités administratives indépendantes en France, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) veille aux conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes isolées sur décision d’une autorité publique. « On s’attache à ce que les droits des gens qu’on visite sur place soient respectés », précise Dominique Simonnot, actuelle Contrôleure générale. Les équipes du CGLPL visitent aussi bien des centres de rétention ou des locaux de garde à vue que des établissements de santé accueillant des personnes hospitalisées sans leur consentement.

« Ce sont principalement les personnes concernées et leurs proches qui nous alertent sur ce qui se passe », indique la Contrôleure générale. Ce qui entraîne l’intervention des équipes du CGLPL. Au cours de leur investigation, elles recensent les atteintes aux droits fondamentaux des personnes privées de liberté et leurs conditions de prise en charge. Ces visites débouchent sur un compte rendu auprès des équipes de l’établissement visité qui permet « de leur dire ce qu’on a pensé de la visite, ce qui va et ce qui ne va pas », explique Dominique Simonnot. Les éléments évoqués durant cette restitution font ensuite l’objet d’un rapport provisoire qui laisse, pendant un mois, la possibilité aux équipes de répondre aux critiques formulées. Un rapport définitif est finalement envoyé au ministre de tutelle de l’établissement qui dispose lui aussi d’un délai d’un mois pour répondre avant toute publication.

graph CGLPL

Ces actions renforcent la visibilité des personnes défendues et qui n’ont pas forcément accès aux mêmes moyens d’action que les autres citoyens. Mais les recommandations formulées par les équipes du CGLPL ne trouvent pas toujours d’écho auprès des décideurs politiques. Déjà en 2018, Adeline Hazan, Contrôleure générale de 2014 à 2020, regrettait que « les recommandations du CGLPL ne donnent pas encore lieu à la prise en compte opérationnelle qui serait nécessaire, mais à de simples réponses rhétoriques des administrations ». Un sentiment encore présent aujourd’hui. « C’est aujourd’hui le même constat », déplore Dominique Simonnot. Les restitutions sur place sont l’occasion de discuter avec les équipes et permettent d’améliorer les choses notamment dans les services de psychiatrie dont « les équipes sont beaucoup plus à l’écoute que d’autres », estime la Contrôleur générale.

Composition et gouvernance

Le contrôleur général des lieux de privation de liberté est composé d’une équipe de 60 personnes dont 30 permanents et 30 vacataires, appelés des contrôleurs extérieurs. Ce sont, entre autres, des avocats, des magistrats, des médecins, des journalistes, des policiers, des directeurs de prison ou encore des hauts fonctionnaires qui remplissent les missions du CGLPL. « C’est une équipe extrêmement experte et variée, ce qui permet des regards différents sur les situations rencontrées », insiste Dominique Simonnot.

Financement et place dans le système de santé

Le fonctionnement du CGLPL est financé par le budget de l’État, pour un montant de 5,4 millions d’euros en 2021. Elle n’en reste pas moins une autorité administrative indépendante, ce qui signifie que « nous ne recevons aucun ordre ni aucune instruction de personne », insiste la Contrôleure générale, à savoir des autorités ministérielles ou de leur administration.

30 % des visites concernaient les établissements de santé en 2021

Depuis sa création en 2008, les équipes du CGLPL ont visité 1 895 établissements et ont été saisies plus de 45 000 fois. En 2021, les établissements de santé ont représenté 30 % des visites des équipes du Contrôleur général et 14 % des saisines. Dans un rapport de 2017, elles se sont entre autres penchées sur la situation des mineurs hospitalisés dans les établissements de santé mentale notamment ceux considérés comme « en soins libres », c’est-à-dire hospitalisés sur demande de leurs parents ou de leurs représentants légaux. Une notion plutôt vague qui regroupe des situations diverses et des pratiques incertaines, selon le rapport. C’est pourquoi, le CGLPL a recommandé une « meilleure articulation entre les services sociaux, médico-sociaux, éducatifs, sanitaires et judiciaires » intervenant auprès des mineurs afin que les mineurs « bénéficient effectivement des droits qui leur sont conférés par la loi ».

En dehors des établissements de santé, le CGLPL est aussi confronté à des questions de santé publique. En pleine épidémie de Covid-19, deux courriers de la Contrôleure générale ont alerté les ministres de la Santé et de la Justice sur la difficulté d’appliquer les gestes barrières dans les établissements pénitentiaires dans un contexte de « surpopulation carcérale endémique ». Elle y demandait également la mise en place d’une stratégie de vaccination spécifique aux établissements pénitentiaires afin d’éviter l’apparition de poches de contaminations.

Antoine Vergely

Source : Le Quotidien du médecin