« Réparer les vivants », de Katell Quillévéré

Le don d'organes crève (coeur de) l'écran

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Publié le 31/10/2016
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Crédit photo : DR

Réparer les vivants, c'est d'abord la vie débordante d'adolescents qui filent à l'aube vers la mer. Puis la vie fauchée par l'accident de voiture, la vie suspendue aux machines. Simon (Gabin Verdet) est en état de mort cérébrale à l'hôpital du Havre. À Paris, Claire (Anne Dorval), 50 ans, est en attente d'une greffe cardiaque. Du donneur au receveur, en passant par les parents et le corps médical, court un long élan de solidarité. Jusqu'à ce que le cœur reprenne vie.

« Les scènes de bloc opératoires sont extrêmement véridiques sur les gestes, la chronologie des opérations », explique la réalisatrice Katell Quillévéré, qui a passé beaucoup de temps à l'hôpital pour préparer ce film, tout comme Tahar Rahim, qui interprète Thomas, infirmier coordinateur. On suit les étapes réelles du prélèvement et de la greffe ; on aperçoit même La Pitié-Salpétrière, l'agence de la biomédecine (ABM) et la plateforme nationale de répartition des greffons - au passage, pareil souci de véracité s'applique à la scène où Alice Taglioni joue vraiment du piano.

Le Pr Olivier Bastien, directeur « prélèvement Greffe organes-tissus » de l'ABM pointe quelques imprécisions « repérables par les spécialistes » : « lors de la transplantation cardiaque, on parle d'échographie, alors qu'à l'image figure une coronarographie. Le cœur prélevé n'a visiblement pas 17 ans (ce qui aurait été impossible) et sauf opposition ou impossibilité, plusieurs organes sont prélevés chez les jeunes. » Mais « le film donne une représentation réaliste du climat d'empathie qui existe dans l'accompagnement des familles », salue-t-il.

Donneur mineur

« Rien ne se fera sans votre consentement », dit en substance l'infirmier coordinateur aux parents de Simon (Emmanuelle Seigner et Kool Shen). « Le film met en scène un donneur mineur ; les parents doivent signer l'autorisation de prélèvement. Et cela ne changera pas après le 1er janvier 2017, il faudra demander leur consentement, même si un mineur peut s'inscrire sur le registre des refus à partir de 13 ans », explique le Pr Bastien.

La loi Santé du 26 janvier 2016 réaffirme le principe du consentement présumé introduit en 1976 par la loi Caillavet (mais peu appliqué). Tout majeur est présumé donneur, sauf s'il a exprimé de son vivant son opposition au prélèvement de tout ou partie de ses organes. Le médecin ne cherchera donc pas, comme dans le film, et comme cela le restera pour les mineurs, à recueillir le consentement des proches ; mais le cas échéant à savoir ce que voulait le défunt, après consultation préalable du registre.

Nouvelle campagne de l'ABM

L'ABM va lancer une campagne nationale du 19 novembre au 4 décembre 2016 via des spots radio, une vidéo sur internet destinée aux 15-25 ans, et la presse écrite.

La nouveauté réside surtout dans l'expression du refus, fait valoir le Pr Bastien. Pour ce faire, un moyen principal (mais pas exclusif) : l'inscription au registre national des refus, par courrier à l'Agence de la biomédecine (formulaire PDF ou papier libre) ou, nouveauté, en ligne, à l'adresse www.registrenationaldesrefus.fr. Le registre compte à ce jour 150 000 signatures, contre 85 000 en mars 2015.

Une personne peut aussi exprimer son refus dans un document écrit confié à un proche, qui sera transmis à l'équipe médicale en cas de décès, et inséré dans le dossier médical. Enfin, une personne peut confier par oral son opposition à un proche qui devra la coucher par écrit en rappelant les circonstances de l'échange.

Les règles de bonnes pratiques dans l'abord des proches ont été explicitées dans l'arrêté du 25 août. Tous les documents sont sur le site de l'ABM et dondorgane.fr. « Il faudrait renforcer l'étude des aspects éthiques et juridiques autour du prélèvement dans la formation initiale et continue des médecins », conclut le Pr Bastien. 

Coline Garré

Source : Le Quotidien du médecin: 9530