Le portrait des 4,5 % de Français infectés par le SARS-CoV-2 lors de la première vague

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Publié le 09/10/2020
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Crédit photo : PHANIE

Quelque 4,5 % de la population française a eu un contact avec le SARS-CoV-2 au mois de mai 2020, révèle l'INSERM, à partir des données d'une de ses deux grandes cohortes dédiées au Covid-19, EpiCov (1). Et de livrer une fine photographie des populations touchées par le nouveau coronavirus, lors de la première vague.

Derrière la séroprévalence nationale de 4,5 %, se cachent de grandes différences entre les territoires, les deux régions les plus touchées affichant des proportions de 9,2 % pour l'Île-de-France, et de 6,7 % pour le Grand Est (jusqu'à 10,8 % pour le Haut-Rhin), tandis que les plus épargnées présentent des taux de 1,5 % (Bourgogne Franche-Comté) et de 1,9 % (Centre-Val de Loire et Normandie).

30-50 ans, avec un enfant ou adolescent dans son foyer

Les plus jeunes, de 30 à 50 ans, ont été les plus touchés par le virus au printemps avec une séroprévalence atteignant 6,9 % de cas positifs dans EpiCoV. Les chercheurs observent une décroissance régulière de la positivité chez les plus de 50 ans, même s'ils sont plus à risque de forme grave, et de mortalité.

L'étude SAPRIS (2) quantifie la part des asymptomatiques : elle s'élèverait à 20 % des personnes testées positives (983 sur 15 000 participants). Si 50 % des infectés rapportent des symptômes évocateurs du Covid-19, environ 30 % des malades développeraient des symptômes non spécifiques.

Les chercheurs retrouvent d'autres facteurs associés à la positivité (en plus de la région et de l'âge) : le fait de partager son foyer avec un enfant ou un adolescent (ce qui augmenterait le risque de contracter le Covid de 30 %). « Il s'agit d'une source d'exposition supplémentaire, même si les enfants sont moins contagieux », explique le Pr Fabrice Carrat, professeur de santé publique à Sorbonne Université.

L'étude SAPRIS révèle en outre qu'un participant a un risque d'infection minoré de 30 % lorsqu'il est fumeur actif. « Cette observation rejoint d'autres travaux en faveur d'une action des composants de la fumée de cigarette sur les récepteurs du virus. Mais il ne faut pas y voir un encouragement au tabagisme : une fois le virus contracté, les fumeurs sont plus à risque de formes graves », commente le Pr Carrat.

Autre résultat intéressant, en particulier dans une perspective d'une stratégie vaccinale : plus de la moitié des sujets présentant une forme classique de Covid développent des anticorps neutralisants, alors que c'est le cas pour seulement 20 % de ceux qui développent des formes pauci ou asymptomatiques. Des études sur l'immunité cellulaire en population générale devraient permettre de mieux comprendre le sujet. « Elles sont possibles, et prévues, mais lourdes et coûteuses », a résumé le Pr Carrat.

Poids des facteurs environnementaux... et des inégalités sociales

Les deux études SAPRIS et EpiCov mettent en évidence l'influence des facteurs environnementaux dans les contaminations au Covid-19, et notamment la profession. Ainsi, la prévalence du Covid est double chez les soignants (11,4 %) que chez les autres professionnels (autour de 5 %), selon EpiCov.

Ressort aussi l'importance des inégalités sociales. Ainsi les plus fortes séroprévalences se retrouvent, toujours selon EpiCov, dans les communes les plus denses (6,3 % vs 3 % pour les communes peu ou moyennement denses), et dans les foyers surpeuplés (8,5 % pour les foyers de plus de 5 personnes, 6 % de 3-4 personnes, versus 2 % dans les logements d'une seule personne).

L'étude SAPRIS montre, elle, un « déplacement du profil social de l'épidémie », avec des classes favorisées qui étaient davantage à risque de Covid avant le confinement (et dont le risque d'exposition potentielle a considérablement diminué en 3 mois) tandis que les catégories les plus défavorisées se sont retrouvées exposées pendant et après le confinement. « Le confinement a certes permis de ralentir la propagation de l'épidémie, mais les classes populaires en ont moins bénéficié que les classes aisées. L'action compensatrice de l’État (chômage partiel, etc.) a limité l’ampleur de l’impact financier, mais sans pallier les inégalités sociales », commente Nathalie Bajos, directrice de recherche Inserm, sociologue-démographe.

La chercheuse pointe enfin un effet cumulatif des inégalités et un lourd tribut payé par les immigrés : la proportion de tests positifs est plus haute chez ceux nés hors de l'Europe (9,4 %) par rapport aux personnes non immigrées (4 %) et aux immigrés européens (4,8 %). Un constat qui se retrouve chez les descendants, et qui « s'explique par les conditions de vie moins favorables dans lesquelles vivent ces personnes », conclut Nathalie Bajos.

1) L’enquête Épidémiologie et conditions de vie (EPICOV), lancée par l’Inserm et la DREES, s'appuie sur échantillonreprésentatif de 135 000 personnes âgés de plus de 15 ans en plusieurs vagues. La première s’est déroulée du 2 mai au 2 juin 2020. Le début de la deuxième est imminent.
2) Sapris inclut 130 000 participants depuis le 1er avril 2020, issus des 4 grandes cohortes déjà existantes (Elfe Epipage, Nutrinet, E3N-34N et Constances). La deuxième vague a eu lieu du 8 juillet à aujourd’hui.


Source : lequotidiendumedecin.fr