Métastase osseuse du cancer de la prostate

Le radioparmaceutique Radium-223 peine à trouver son chemin en France

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Publié le 19/05/2016
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Crédit photo : PHANIE

Le premier radiopharmaceutique utilisant des rayonnements alpha, indiqué dans le traitement des métastases osseuses du cancer de la prostate ne parvient décidément pas à s'attirer les bonnes grâces de la Haute autorité de santé (HAS).

La commission de la transparence de la HAS s'était prononcée une première fois en 2014, et a conclu à un SMR important mais un ASMR 4 pour Xofigo (Radium 223) mis au point pas Bayer. En janvier 2015, le traitement s'est logiquement vu refuser son inscription sur la liste en sus, est n'est donc pas remboursé. « On nous avait reproché la comparaison à un placebo à la place d'un traitement déjà existant », explique le Dr Pascal Tailhefer, conseiller scientifique oncologie chez Bayer. Un nouveau dossier a été déposé devant la commission de la transparence au cours de la première semaine de mars 2016… avec le même résultat un mois et demi plus tard, malgré la présence de données issues de la pratique « en vie réelle ».

Débats autour du comparateur

Pour les responsables du laboratoire Bayer, le problème réside dans le choix du comparateur : le Ra 233 a été comparé à des médicaments prescrits en ville comme l'enzalutamide (un inhibiteur de la voie de signalisation des récepteurs aux androgènes). « Pour qu'il soit inscrit sur la liste en sus, il faudrait qu'il soit comparé à un autre médicament inscrit sur cette même liste comme le Cabazitaxel », précise le Dr Tailhefer. Si la situation reste en l'état, le traitement bien qu'autorisé en théorie, serait inaccessible en pratique aux centres de radiothérapie.

Le Ra 233 est le premier alpha émetteur produit dans une indication médicale, et le premier traitement de ce genre indiqué dans le traitement des cancers de la prostate résistant à la castration et qui développent des métastases osseuses. De tels patients ont une espérance de vie de moins de 2 ans et représentent 10 à 20 % des patients atteints d'un cancer de la prostate.

Des particules alpha à faible portée

Le radium intègre la structure osseuse à la place des atomes de calcium, et irradie des particules alpha sur une distance égale à 2 à 10 fois le diamètre d'une cellule, soit une portée 100 µm à l'intérieur de laquelle tout est détruit. Le rayonnement alpha casse les deux brins d'ADN et non pas un seul, occasionnant des dommages irréversibles et la mort de la cellule.

En ce qui concerne la sécurité, « la radioactivité alpha est arrêtée par une feuille de papier », explique le Dr Tailhefer, le Ra 223 émet bénéficie d'une demie vie d'un peu plus de 11,4 jours, un battement de cil comparé aux 1 600 ans du radium 226 aux 50,5 jours du Strontium-86.

Un gain d'espérance de vie de 3,6 mois

Le Dr Deandreis, de l'Institut Gustave Roussy a participé aux essais de phase 2 du radium 223, elle estime que le traitement est intéressant pour « les patients souffrant de cancers résistant à la castration, avec des métastases osseuses symptomatiques, en postchimiothérapie, avec parfois des échappements après la chimiothérapie. À la différence du denosumab, le radium 223 a un impact sur la durée de vie », poursuit-elle.

En 2013, les résultats de l'étude ALSYMPCA publiés dans le « New England Journal of Medicine », ont en effet montré un bénéfice de 3,6 mois d'espérance de vie médiane comparé au placebo. Les événements osseux graves, comme les fractures vertébrales, étaient eux retardés de 6 mois en moyenne.

D'autres études sont en cours pour évaluer l'intérêt du traitement chez les patients qui n'ont pas bénéficié d'une chimiothérapie. « On a participé à un essai qui évalué l'effet de doses de 80 kilobecquerel par Kg et l'intérêt de 12 injections comparés à 6 injections, précise le Dr Deandreis. Par rapport au samarium ou au strontium, le radium demande beaucoup moins de sécurité d'usage : le patient peut être traité en ambulatoire. Comme pour tous les émetteurs alpha, il n'y a qu'une toute petite part qui sort du patient. Les doses sont fixées pour atteindre 50 kilobecquerel par Kg en 6 injections. »

7 000 patients concernés en France

En France 7 000 nouveaux cas de cancer de la prostate sont d'emblée métastatiques chaque année. Xofigo a eu son AMM européenne en 2013 mais faute de remboursement, il n'est de fait pas disponible. « C’est un véritable problème pour les patients, poursuit le Dr Deandreis. Certains centres de l’AP-HP peuvent le rembourser dans le cadre des budgets spécifiques, nous sommes le seul pays ou il n’est pas remboursé. » Pour l'instant, Xofigo coûte 4 900 euros par flacon, et donc par injection, contre 200 euros pour le denosumab, bien que ce prix pourrait être renégocié au niveau du comité économique des produits de santé.

 

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du médecin: 9497