Exposition maternelle au chlordécone

Le risque de prématurité est avéré

Publié le 20/01/2014
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Le chlordécone est un insecticide organochloré qui a été largement employé aux Antilles Françaises pendant la période 1973-1993, pour lutter contre le charançon du bananier. Sa présence persistante dans les sols, les eaux de rivières et les sols est à l’origine de la contamination de denrées alimentaires. La contamination des habitants a été montrée par des travaux antérieurs et le chlordécone est classé comme perturbateur endocrinien.

Une étude de cohorte a été mise en place pour évaluer l’impact du chlordécone sur le déroulement de la grossesse : l’étude TIMOUN (ce qui signifie enfant en créole).

Les résultats montrent que l’exposition maternelle au chlordécone est associée de manière significative à un raccourcissement de la durée de la grossesse et à un risque augmenté de prématurité, quel que soit le mode de l’accouchement (provoqué ou spontané). « Ces associations pourraient être expliquées par les propriétés hormonales, oestrogéniques et progestéroniques, du chlordécone », expliquent les auteurs.

« Ces résultats sont pertinents en terme de santé publique à cause de la persistance prolongée du chlordécone dans l’environnement et de l’observation d’un taux élevé de naissances avant terme dans la population concernée », poursuivent-ils.

Pour l’étude TIMOUN, entre 2004 et 2007, 818 femmes ont été incluses au cours de leur troisième trimestre de grossesse, au CHU de Pointe à Pitre/Abymes et au CHU de Basse Terre. Une prise de sang chez la mère au moment de l’accouchement a été réalisée pour évaluer la présence du chlordécone.

Ont été pris en compte : la parité, l’indice de masse corporelle avant le début de la grossesse, le lieu de l’inclusion, le lieu de naissance des mamans, le statut marital, le niveau de scolarité, la notion d’une hypertension gestationnelle, d’un diabète gestationnel, la présence d’autres polluants et notamment de PCB ; et aussi d’autres paramètres tels que le niveau de scolarité et le statut marital.

Les investigateurs, des chercheurs de l’Institut de recherche, santé, environnement et travail (Unité INSERM 1 085), basés à Rennes et à Pointe-à-Pitre/Abymes, associés au « Center for analytical Research and Technology » de l’Université de Liège.

Informer les femmes enceintes

« La consommation d’aliments contaminés constitue de nos jours la source principale d’exposition au chlordécone de la population antillaise », soulignent les auteurs. Les types d’aliments qui contribuent à l’exposition sont connus, les légumes racine étant les plus chargés (igname, manioc…). Les enquêtes récentes diligentées par l’ANSES ont montré que les cucurbitacées (concombre, courges, etc.) en contiennent aussi, et également des poissons d’estuaires. Les chercheurs estiment que l’intensité de l’exposition est actuellement conditionnée par les productions et distributions hors circuits réglementés (par exemple : les jardins familiaux sur sol pollué).

Les chercheurs incitent à la mise en place de moyens d’information pour les femmes enceintes portant sur les aliments à risque à éviter pendant la grossesse, en relation avec les circuits de distribution, en recommandant donc les magasins officiels plutôt que les marchés locaux, explique au « Quotidien » la chercheuse Sylvaine Cordier (Rennes).

Dr Béatrice Vuaille

Source : Le Quotidien du Médecin: 9294