La montée de la violence inquiète la profession

Les médecins réclament de nouvelles mesures de protection

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Publié le 07/11/2016
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agression

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Crédit photo : Phanie

La coupe est pleine. En l'espace d'un mois, plusieurs violentes agressions de médecins ont secoué la profession. Il y eut l'attaque par un groupe des urgences de Tourcoing, une pédiatre molestée par une mère de famille à Montpellier et dernièrement une généraliste frappée au visage dans une maison médicale de Châtellerault.

Malgré le protocole national « Santé, Sécurité, Justice, Ordres » (SSJO) et les recommandations émises par les sept Ordres et le ministère de l'Intérieur en 2012 (vidéoprotection, alarme, porte blindée…), la violence dans les cabinets médicaux ne recule pas. 924 incidents (agressions verbales ou physiques, menaces, vols, dégradations, etc.) ont été déclarés en 2015, contre 901 en 2014 et 925 en 2013. Le président du Syndicat des médecins libéraux (SML) est persuadé que « ces chiffres sont en deçà de la réalité ». « Les médecins ne déclarent pas car les démarches sont trop longues, certains banalisent l'incident, d'autres se sentent coupables », estime le Dr Éric Henry.

Alourdir les peines, mettre des alarmes…

Les syndicats et le CNOM pressent le gouvernement d'agir pour assurer davantage la sécurité des praticiens. « Quand il y a un drame, tout le monde en parle puis plus rien jusqu'au suivant !, s'insurge le Dr Luc Duquesnel, président des Généralistes CSMF. On ne peut pas avoir des agents comme aux urgences dans chaque cabinet. » Selon le généraliste, il est parfois nécessaire de revoir l'agencement du lieu de travail et le matériel (interphone, visiophone…) et d'envisager un système d'alerte (bouton sous le bureau) calqué sur celui employé par les banques. « Il faut aussi réfléchir au financement de ces mesures car tous les généralistes n'ont pas les moyens de s'équiper », ajoute-t-il.

Pour le Dr Henry, les caméras sont efficaces pour les besoins de l'enquête mais pas pour la protection immédiate du praticien. Il préconise également une alarme reliée directement au commissariat ou un « système bruyant » déclenché à l'intérieur et à l'extérieur du cabinet médical afin d'effrayer l'agresseur et alerter le voisinage.

Indépendamment des nécessaires mesures de prévention, le Dr Jean-Paul Hamon, président de la Fédération des médecins de France (FMF), réclame des peines plus lourdes contre les agresseurs afin qu'elles aient un effet dissuasif. « On ne doit pas toucher au personnel soignant. Les sanctions doivent être exemplaires et aboutir rapidement », souligne-t-il.

La sensibilisation des usagers est importante. La CSMF va réfléchir avec des associations de patients à la rédaction d'une « charte de droits et de devoirs réciproques » afin de responsabiliser les parties prenantes.

Dépistage des cabinets en danger en Ile-de-France

Le protocole SSJO a été déployé depuis cinq ans dans 90 % des départements. « Un numéro d’accès direct à la cellule de sécurité départementale a été mis en place à destination des médecins ainsi qu'un référent sécurité au sein des services de police et de gendarmerie », précise le Dr Hervé Boissin, coordonnateur au CNOM de l'Observatoire sur la violence des médecins. Néanmoins, il est difficile d'évaluer l'efficacité du protocole. Le Dr Boissin souhaite être reçu au ministère de l'Intérieur rapidement pour évoquer cette question cruciale de la sécurité des cabinets.

En Ile-de-France, une commission régionale sur la sécurité, impulsée par le Dr Jean-Claude Zerat, vice-président à l'Ordre régional francilien va plus loin. Les élus sillonnent le terrain pour dépister les « cabinets en danger ». « Nous nous déplaçons dans certains cabinets qui n'ont aucune protection et proposons aux praticiens de rencontrer des entreprises spécialisées dans la sécurité afin d'établir un devis spécifique », explique-t-il. L'Ordre est prêt à prendre en charge financièrement une partie du devis pour les médecins en difficulté. Selon le Dr Zerat, l'agence régionale de santé (ARS) devrait également entrer dans la boucle pour aider les professionnels à s'équiper.

Sophie Martos

Source : Le Quotidien du médecin: 9532