Adoption définitive de la loi El Khomri

Les professionnels de la santé au travail ne décolèrent pas

Publié le 21/07/2016
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Ils ne veulent pas désarmer. En dépit de l'adoption de la loi travail, les professionnels du secteur de la santé au travail continuent d'alerter les autorités et les salariés et de réclamer le retrait de la réforme de la médecine du travail.

Principales évolutions critiquées, la visite médicale systématique à l'embauche est supprimée – sauf pour les postes à risques – et les visites médicales (tous les deux ans) seront davantage espacées (jusqu'à cinq ans). Autre mesure décriée : le recours contre l’avis d’aptitude ou d’inaptitude, qui se faisait jusqu’à présent devant l’inspecteur du travail, passerait désormais par une action devant les prud'hommes pour nommer des médecins experts… « La suppression de l'arbitrage de l'inspecteur du travail est un désengagement de l'État de la protection des salariés », estime Jacques Delon, responsable du syndicat FO des médecins du travail. Il craint qu'une procédure devant les prud'hommes soit plus coûteuse et moins rapide pour le salarié.

Avec des visites d'embauche conservées uniquement pour les postes à risques particuliers (postes faisant l'objet d'un suivi renforcé y compris pour protéger des collègues ou des tiers…), la réforme transformera la médecine du travail en médecine de contrôle voire de sélection, loin de sa vocation préventive, accusent les syndicats. « Ce système va détruire tout lien de confiance car le salarié aura peur de perdre son emploi », poursuit le Dr Jean-Michel Sterdyniak, du Syndicat national des professionnels de santé au travail (SNPST). « Nous ne serons plus dans l'empathie mais dans l'arbitraire, ce qui est l'inverse de l'éthique de la médecine du travail », s'alarme le praticien.

Résistance

Surtout, les médecins du travail redoutent que cette réforme jugée « nocive » aggrave la situation, déjà tendue, de la démographie médicale. Sur les 5 168 médecins du travail qui exercent en France, près de la moitié a entre 50 et 64 ans. Et les effectifs ont baissé de 14,6 % depuis 2007. « Comment les jeunes vont-ils avoir envie d'exercer cette profession, si on bascule du côté de la médecine sécuritaire et de contrôle ? », fustige le Dr Alain Carré, médecin du travail CGT. « Regardez ce qui s'est passé avec le pilote de la Germanwings (qui n'avait pas révélé ses problèmes de santé au médecin de la compagnie aérienne NDLR) », rappelle-t-il. 

Si les organisations syndicales désapprouvent sans surprise la méthode du « 49-3 », ils veulent croire que le combat n'est pas terminé. « Nous allons essayer de trouver des moyens de résistance, jouer sur le droit d'alerte du médecin du travail, par exemple en notifiant à l'employeur qu'il méconnaît ses obligations », avance le Dr Sterdyniak, même s'il admet que les voies de recours sont limitées.

Les syndicats de médecins du travail prendront part à la nouvelle journée de mobilisation nationale pour l'abrogation de la loi travail prévue à la rentrée, le 15 septembre.

Marie Foult

Source : Le Quotidien du médecin: 9513