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Dossier

Prématurité, petit poids, malformations...

Les risques des techniques d'AMP seraient minimes, rassurent les spécialistes

Par Coline Garré - Publié le 20/03/2020
Les risques des techniques d'AMP seraient minimes, rassurent les spécialistes

Un fort taux prématurité observé chez les enfants issus de FIV
Phanie

Plus de 3 % des petits Français sont nés grâce à une assistance médicale à la procréation. Les techniques n'ont eu de cesse de progresser depuis 1978. Les données existantes, quoique lacunaires, sont rassurantes, quant aux conséquences sur la santé des enfants, ont rappelé les spécialistes de la procréation lors du congrès Pari(s) santé femmes, fin janvier.

Depuis la naissance du premier bébé-éprouvette en 1978, Louise Brown, les techniques d'assistance médicale à la procréation (AMP) n'ont cessé de progresser : naissance après don d'ovocyte (1983), congélation d'un embryon (1984), d'un ovocyte (1986), injection d'un spermatozoïde dans l'ovocyte (ICSI en 1992), vitrification (2005). Près de cinq millions d'enfants sont nés dans le monde après AMP. En France, plus de 3 % des enfants seraient issus d'AMP, pour une très grande majorité (96 %), intraconjugale. 

Néanmoins, les conséquences sur la santé des enfants de ces techniques restent difficiles à évaluer, ne serait-ce que parce qu'il est difficile d'étudier un facteur isolément ou de constituer des groupes contrôles. 

Le colloque Pari(s) santé femmes organisé par le Collège national des gynécologues obstétriciens français (CNGOF) fin janvier, fut l'occasion de faire le point sur l'état des connaissances. 

En France, il existe, sous l'égide de l'Agence de la biomédecine (ABM), une étude de cohorte observant 49 224 naissances issues de fécondation in vitro (FIV) sur un total de 2 922 718 naissances incluses, survenues entre 2013 et 2016. L'âge maternel moyen est de 33, 2 ans pour les mères dans un parcours d'AMP, contre 29,9 ans, pour les autres femmes. La fréquence des accouchements multiples est de 13,2 % en FIV, vs 1,5 % en non FIV. 

Davantage de prématurités et de naissances sans vie 

De plus forts taux de prématurité sont observés chez les enfants issus de FIV (14,9 % vs 6,3 %), qu'il y ait un singleton (9 % vs 5,7 %) ou des jumeaux ou triplés (48,9 % vs 43,7 %). De même, l'on perçoit une augmentation significative des naissances sans vie dans le groupe issu de FIV (1,05 % vs 0,75 % pour les naissances uniques, 1,3 % vs 0,8 % en prenant en compte les naissances multiples). « Mais ce n'est ni alarmant, ni un scoop », temporise la Dr Sylvie Epelboin, coordonnatrice du centre d'AMP de Bichat. 

Le risque d'une hypotrophie néonatale à la suite d'une FIV est accru de 33 %. Il est notamment supérieur pour les naissances multiples (0R de 4,8) et prématurées (2,9), en cas de tabagisme de la mère (2,2) ou de malformation congénitale (1,7). 

Par ailleurs, les résultats seraient sensiblement meilleurs lors de transferts d'embyons congelés (surtout par vitrification) vs embryons frais (TEF) avec des poids de naissance plus élevés, moins de prématurité, et un risque diminué d'hypotrophie, ont mis en lumière les Dr Nathalie Sermondade et Laëtitia Hesters, biologistes de la reproduction, à partir des données des registres finnois et japonais. Seule exception : l'incidence de la macrosomie serait plus élevée en cas de TEC par rapport à TEF. Mais « ces données ainsi que celles sur la santé à long terme, où l'on n'observe pas de différence entre enfants issus de TEC ou de TEF, sont rassurantes », disent encore les biologistes, sans nier qu'il pourrait y avoir des altérations épigénétiques sur le conceptus (terme neutre pour qualifier le produit de la fécondation) au stade pré-implantatoire. 

Peu d'études sur le long terme 

Qu'en est-il enfin de la santé à long terme ? Les rares études existantes montrent un risque légèrement accru d'épilepsie (selon la cohorte danoise de Kettner et al. de 2017) et démentent un risque cardiovasculaire (Kuiper et al., 2017), ou un impact sur le développement cognitif. « Il y aurait une très légère tendance en faveur d'un risque accru d'autisme, proche de la significativité », affirme la Dr Epelboin. Quant au risque de cancer, « les données sont rassurantes » poursuit-elle, notamment à la lumière des résultats de la cohorte néerlandaise Omega de près de 47 700 enfants qui montre un risque total de cancer non augmenté chez les enfants conçus par FIV, et une légère augmentation non significative après ICSI. 

La médecin a néanmoins alerté sur le poids ou du moins la place de la stérilité parentale dans le roman familial, et sur le choc des mots qui peuvent frapper les mémoires. « Dire : "je vous transfère un très bel embryon", ou parler "d'embryon C", n'est pas anodin », met-elle en garde. 

Coline Garré