150 coopérations public privé sur le territoire

Les tumultueux mariages de raison entre hôpitaux et cliniques

Publié le 11/04/2013
Article réservé aux abonnés
1365643149424233_IMG_102786_HR.jpg

1365643149424233_IMG_102786_HR.jpg

LES CLINIQUES du Languedoc-Roussillon assurent plus d’une naissance sur deux, 92 % de la chirurgie ambulatoire, 50 % des traitements anti-cancéreux. Un dynamisme au prix de lourdes restructurations. Dix maternités privées ont ainsi fermé en 15 ans. Certaines cliniques, pour survivre, ont entamé un rapprochement avec l’hôpital public. Par endroits, c’est l’hôpital défaillant qui a tendu la main au privé pour ne pas disparaître.

La FHP (Fédération de l’hospitalisation privée) du Languedoc-Roussillon a organisé une table ronde pour dresser un bilan des coopérations public privé à l’échelle de la région. À Nîmes, le CHU et le groupe Médipôle sud santé créent un institut de cancérologie commun - ouverture prévue en 2014. Chaque structure conservera ses spécificités (statut, organisation, salaire, tarifs...), et apporte une vingtaine de millions d’euros. Ambitieux. « Tout nous oppose, constate pourtant Marcel Hermann, président de Médipôle Sud Santé. La prise de risque est bien supérieure pour le privé. Pour le public, l’investisseur, c’est l’État ». « Le CHU finance lui-même l’investissement et emprunte », rectifie Jean-Olivier Arnaud, DG du CHU. Le CHU nîmois est à l’équilibre, ce qui facilite l’opération. Quid des impératifs de rentabilité ? Jean-Olivier Arnaud assure être au diapason avec son partenaire : « Il est normal que nous soyons engagés tous les deux sur la notion de performance économique ». Mais, ajoute-t-il, « nous sommes concurrents, et nous le resterons ».

Manque de courage.

Le projet a le plein soutien de l’Agence régionale de santé du Languedoc-Roussillon. Sans volonté locale, l’ARS ne peut rien imposer, note la DGA, Dominique Marchand : « Nous avons souhaité impulser de toute force un autre GCS dans la région, nous y avons passé un temps fou et n’y sommes jamais arrivés car les opérateurs n’arrivaient pas à s’entendre. »

Ce que confirme Serge Constantin, président du groupe Clinipole, qui, durant sa longue carrière, a manié à peu près tous les outils de coopération. « Je suis tombé sur des directeurs d’hôpital de bonne foi avec qui j’ai pu avancer », commente-t-il. Philippe Domy, DG du CHU de Montpellier, appelle les élus locaux à prendre leurs responsabilités. « Nous avons les outils, dit-il. Ce qu’il manque, c’est le courage de prendre les décisions ».

Le débat a été l’occasion d’une passe d’armes entre députés. Le socialiste Christian Assaf a admis avoir voté « avec les pieds » la création de 200 postes de praticiens territoriaux de médecine générale. « Mon parti fait preuve de rigidité. Ne pas envisager la lutte contre désertification avec vous [l’hospitalisation privée, NDLR] comme partenaire, c’est une erreur ». Élie Aboud, cardiologue et député UMP, appelle le PS à sortir des dogmes. « Le privé assure déjà des missions de service public, mais la puissance publique aujourd’hui n’est pas sur ce logiciel ». Patrick Vignal, socialiste, en a convenu. « Il n’est pas normal que la ministre de la Santé ne visite pas d’établissement privé », a-t-il lancé.

20 projets à l’arrêt.

Que dire de la situation au plan national ? La FHP a identifié une vingtaine de coopérations à l’arrêt. Les régimes fiscaux et juridiques différents sont une explication (l’hôpital est tenu de respecter le code des marchés publics pour ses achats, pas la clinique). Le désaccord porte parfois sur le projet médical. La guerre que se livrent hôpitaux et cliniques pour recruter les praticiens n’arrange rien. Sans compter que les médecins n’ont pas envie de perdre les revenus liés aux gardes, lorsque celles-ci sont redistribuées.

Certaines opérations permettent le maintien d’une offre de soins dans des secteurs reculés. C’est le cas à Fontenay-le-Comte, dans le sud vendéen, où la clinique et l’hôpital, sur un même site, se sont réparti les activités. Sans cette convention, « les chirurgiens seraient allés ailleurs, l’hôpital n’aurait pas survécu, et on aurait à la place une maison de retraite et des soins de suite », considère Jean-François Lemoine, directeur général d’Harmonie soins et services, propriétaire de la petite clinique vendéenne.

Mais par endroits le vent tourne. Le président du groupe Vitalia (47 cliniques), lui aussi, appelle les élus à dépasser les vieux dogmes. « Être de gauche et soutenir le public, c’est une approche dépassée, déclare Jean-Baptise Mortier. Tuer un secteur pour sauver l’autre est inutile. À Paray-le-Monial, l’hôpital n’a jamais voulu coopérer avec le privé. La clinique a fermé par volonté politique ». La remise en cause de certaines autorisations inquiète le privé. À Saint-Amand-Montrond (Cher), les urgences privées sont sur la sellette. À Cluses (Haute-Savoie), leur fermeture a conduit le groupe Kapa santé à déposer le bilan de la clinique (les urgentistes libéraux ont tenté de rouvrir le service il y a quelques jours, sans l’accord de quiconque, et en vain). « Ces décisions sont incompréhensibles alors que la politique nationale, c’est la lutte contre les déserts », conclut le président de Vitalia.

DELPHINE CHARDON

Source : Le Quotidien du Médecin: 9233