Essais nucléaires français

Les vétérans réclament justice

Publié le 05/10/2011
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

ENTRE 1960 ET 1996, la France a effectué 210 essais nucléaires, au Sahara d’abord, puis en Polynésie. La plupart du temps, ces essais se déroulaient sans protection particulière pour les militaires engagés sur place et la population locale. « Nous étions en short et chemisette, et n’avions aucune explication sur les risques que nous encourions, se souvient Alain Dimpre, engagé dans la Légion à Mururoa. Âgé de 19 ans à l’époque des essais, il a eu par la suite trois enfants handicapés. Mais n’a jamais obtenu de l’armée qu’elle lui envoie son dossier médical. Secret Défense. Le privant de tout recours.

Des milliers d’autres vétérans – civils et militaires – sont dans la même situation. Les militaires ayant pris part aux essais aériens sont les plus touchés par les cancers. Mais de nombreuses autres pathologies sont recensées : maladies cardio-vasculaires, affections digestives, des os et des muscles, maladies neurologiques. Les anomalies de la descendance sont tout aussi nombreuses : stérilité par anomalie du sperme, anomalies congénitales, décès à la naissance ou dans la première année de vie...

Il a fallu que ces victimes se regroupent en association pour faire entendre leur voix. Réunies au sein de l’AVEN (Association des vétérans des essais nucléaires) depuis 2001, elles se battent pour faire reconnaître par l’État le préjudice subi. De 15 au départ, elles sont aujourd’hui 5 000 à réclamer une indemnisation.

Après neuf années de lutte, elles ont obtenu la promulgation d’une loi votée en janvier 2010, portant sur la reconnaissance et l’indemnisation des victimes des essais nucléaires. « Mais les décrets d’application qui ont suivi l’ont vidée de tout son sens, déplore Michel Verger, fondateur de l’AVEN. La liste très limitative des maladies reconnues comme radio-induites et le mode de calcul totalement arbitraires des doses reçues contribuent à faire de cette loi une mesure sans effet. » Bilan : sur 597 dossiers montés par l’association, 200 seulement rentraient dans le cadre de la loi. Au final, seuls 2 ont reçu un écho favorable de la commission d’indemnisation.

L’AVEN a décidé de porter l’affaire devant les tribunaux administratifs. Elle réclame également la levée du secret défense sur les dossiers médicaux des militaires concernés. « Cette loi a été faite pour nous faire taire, dénonce Nadine Cieniewski, déléguée régionale Nord-Pas-de-Calais. Mais nous ne baisserons pas les bras. Nous avons besoin de cette reconnaissance pour guérir de cette douleur d’avoir perdu nos maris, nos pères… »

FLORENCE QUILLE

Source : Le Quotidien du Médecin: 9018