La mise en œuvre du traité de Lisbonne

L’Europe a besoin d’un président politique

Publié le 02/11/2009
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Crédit photo : AFP

CERTES, L’EUROPE n’est pas tirée d’affaire, notamment à cause des problèmes nés de la crise qui ont aggravé ses dettes et ses déficits budgétaires et pour lesquels elle n’a pas vraiment trouvé de réponses communes. Les chefs des 27 pays de l’Union n’ont donc aucune raison de sauter de joie, d’autant que la crise financière et économique a laissé des traces durables, notamment sur les nouveaux partenaires issus de l’ancien bloc soviétique et les pays fragiles, comme la Grèce et l’Espagne. Le problème, aujourd’hui, est multiple. Il faut d’abord parvenir à une régulation des banques qui les empêchera, aussi vite que possible, de sombrer de nouveau dans l’hystérie des bulles financières, car la pratique du trading, de la spéculation, des bonus a repris tous ses droits. Il faut ensuite lutter spécifiquement contre le chômage car il semble que la reprise économique ne se traduise pas par la baisse d’un chômage redevenu structurel aussi bien aux États-Unis qu’en Europe. Il faut enfin avoir une ambition assez forte pour songer à hamoniser les systèmes fiscaux tout en les réformant.

Une fête franco-allemande.

Nicolas Sarkozy a salué comme une victoire la décision d’Angela Merkel, prise sous la pression de ses nouveaux alliés libéraux, de diminuer les impôts allemands de 10 %. Le chef de l’État, qui répète avec obstination qu’il n’a pas été élu pour augmenter les impôts voit dans la mesure allemande la validation de sa propre politique économique (il ne se contente de ne pas accroître la pression fiscale, encore qu’il se rattrape au niveau des prélèvements sociaux, qui seront nettement plus lourds en 2010). Le sommet de Bruxelles a été précédée d’une charmante petite fête franco-allemande : Angela Merkel, à peine réélue come chancelière par le Bundestag, est venue célébrer sa victoire en compagnie de M. Sarkozy. C’était un geste de très grande amitié auquel les Français ne sauraient rester insensibles, mais qui traduisait aussi, par le rapprochement des idées, la renaissance de l’axe franco-allemand indispensable à la construction de l’Europe.

À Bruxelles, 26 chefs d’État ou de gouvernement ont convaincu l’atrabilaire président tchèque, Vaclav Klaus, de mettre un terme à sa résitance solitaire et donquichottesque au traité de Lisbonne. Une position qu’il a adoptée au nom de son libéralisme forcené (qui n’a pas donné de bons résultats quand il était chef du gouvernement) et de l’amour qu’il voue à l’Amérique. Mais les États-Unis d’Obama ne sont pas ceux de Bush et M. Klaus, décrié par son prédécesseur, l’intellectuel Vaclav Havel, comme un personnage embarrassant et encombrant, a du céder sous la pression, en échange de quelques babioles. Le processus de ratification a perdu, à cause des Irlandais, du président polonais et du président tchèque, un temps précieux. Mais bon, avant la fin de l’année, nous aurons un nouveau système de gouvernance européen dont on veut espérer qu’il sera plus efficace que l’actuel et, surtout, un président, dont on veut croire qu’il prendra des décisions politiques. Qui sera le premier président de l’Union ? On avait beaucoup parlé de Tony Blair. Toutefois, au cours du sommet et malgré une défense active du Premier ministre britannique Gordon Brown, il semble qu’il ait perdu ses chances et que l’on se dirige vers un président moins charismlatique mais plus consensuel. C’est dommage et voici pourquoi.

IL N’Y AURA PAS DE GEORGE WASHINGTON EUROPÉEN

Tony Blair n’est pas l’homme idéal de la situation. En approuvant la décision de George W. Bush d’intervenir militairement en Irak en 2003, il s’est montré plus pro-américain que pro-européen. Il est resté au moins un an de trop au pouvoir, en faisant languir le malheureux Gordon Brown auquel il avait promis qu’il prendrait plus tôt sa succession. Sa formidable technique de communication n’a pas réussi à cacher de terribles erreurs de jugement. Depuis qu’il n’est plus Premier ministre, il est censé servir de médiateur entre Israël et la Palestine, mais bien que lui et sa suite occupe tout un étage dans un hôtel huppé de Jérusalem, il n’a rien fait dans ce domaine et s’est davantage occupé à donner des conférences à 100 000 dollars pièce.

Mais Blair est l’inventeur du New Labour, concept qui a produit une formidable croissance du Royaume-Uni pendant ses dix ans de mandat (1997-2007), ce qui n’a pas empêché Gordon Brown, alors chancelier de l’Échiquier, d’utiliser une partie de cette richesse dans des projets collectifs. Jusqu’à la crise, à laquelle la Grande-Bretagne a été plus vulnérable, justement parce que, comme les États-Unis, elle est un paradis de la haute finance.

Ni Schengen, ni euro.

De surcroît, le Royaume-Uni n’est européen que marginalement. Il n’est ni dans l’espace de Schengen ni dans la zone euro, alors que son économie est celle d’un des poids-lourds de l’Europe. Tous ces arguements ont été examinés à Bruxelles et, bien que Nicolas Sarkozy eût soutenu Tony Blair, parce qu’il admire la « troisième voie » proposée par l’ancien Premier ministre anglais, le sommet s’est orienté vers une présidence plus « modeste », de la même manière qu’il a reconduit José Manuel Barroso à la tête de la Commission européenne, bien que M. Barroso n’ait guère brillé pendant son premier mandat. On parle beaucoup de Jean-Claude Juncker, Premier ministre du Luxembourg, dont on ne saurait nier les fortes compétences, mais dont le style est plutôt feutré, alors que la tâche consiste à faire bouger une communauté de cinq cent millions d’être humains. On cite encore les noms d’un ancien chancelier autrichien et du Premier ministre néerlandais, tous deux conservateurs. Une compensation serait accordée au Royaume-Uni avec la nomination de David Milliband, jeune (44 ans) et bon ministre des Affaires étrangères, à la tête de la diplomatie européenne.

Cependant, quand on disait qu’il fallait à l’Union « un George Washington européen », on ne se trompait pas. Pour notre part, nous conservons le souvenir d’un homme, Jacques Delors, ancien président de la Commission européenne pendant dix ans, qui a plus fait pour l’Union, Schengen et l’euro que tous ses prédécesseurs et successeurs. Pour la présidence de l’UE, il fallait un homme de ce calibre politique. Ce n’est pas hélas vers qui on s’achemine.

RICHARD LISCIA

Source : lequotidiendumedecin.fr