Une atteinte grave à l’environnement

L’Europe donne un sursis au Diesel

Publié le 02/11/2015
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Un test Diesel:  poison pour l’air

Un test Diesel: poison pour l’air
Crédit photo : AFP

Que s’est-il passé ? L’industrie automobile semble avoir convaincu les dirigeants politiques que l’application intransigeante des normes la plongerait dans la récession : un parc Diesel invendable pour les occasions, une ruée sur les moteurs à essence à laquelle les industriels ne sont pas encore préparés, un problème financier sérieux pour leurs clients, et ils sont nombreux, qui possèdent une voiture Diesel. En somme, l’industrie a réclamé quatre ans de répit en faisant valoir des arguments économiques et sociaux (l’incidence des normes pourrait en effet être importante sur le plan de l’emploi).

Cette décision est scandaleuse à plus d’un titre. Elle confirme ce que révélait l’affaire Volkswagen, à savoir que le niveau de pollution affiché du Diesel est mensonger. En émettant plus de gaz et de particules, ce type de moteur joue un rôle très négatif pour la santé publique. En outre, l’acharnement des constructeurs à refuser les normes trahit quelque chose de plus grave : de toute évidence, ils sont techniquement incapables de respecter les normes et peut-être n’y parviendront-ils pas dans les nouveaux délais qui leur sont impartis. Ce qui signifie qu’il faut abandonner définitivement le moteur Diesel. Quand on sait que les deux tiers des voitures vendues en France sont des Diesel, on imagine le bouleversement économique que cet abandon implique. Ce serait l’affaire Volkswagen étendue à la totalité du secteur.

Un conflit politique.

C’est pourquoi le gouvernement français, sinon la presse, s’est montré particulièrement discret à propos du report de l’application des normes, ce qui, d’ailleurs, a fait bondir les écologistes. La gauche au pouvoir n’avait vraiment pas besoin de cette nouvelle pomme de discorde avec Europe Écologie-les Verts. Même si la firme allemande a été la seule à tricher pendant les tests (en utilisant un logiciel qui minimisait les émissions de gaz et de particules), les conditions dans lesquelles ces tests étaient réalisés étaient toutes fallacieuses puisqu’elles n’avaient rien à voir avec les conditions normales de conduite sur la route. Cela veut dire que le Diesel pollue infiniment plus que les constructeurs l’on prétendu depuis que le Diesel existe. C’est probablement la première fois qu’un si grand nombre d’États acceptent le point de vue des hommes d’affaires dont le discours revient à dire qu’à l’impossible nul n’est tenu. Il n’empêche que, si les tests avaient été sincères, la difficulté technologique posé par le Diesel serait apparue dès sa mise en vente massive et aurait fait reculer la clientèle. Aujourd’hui, chaque propriétaire de véhicule Diesel s’en serait pas à se demander comment doit s’en débarrasser.

L’autre effet de la décision des 28, c’est le nouveau coup porté à la crédibilité des institutions européennes qui, plus que jamais, semblent dominées par le monde des affaires. Des sanctions européennes sont prises contre des délits agricoles ou industriels d’une importance dérisoire. Au moment où la commission de Bruxelles avait l’occasion d’accomplir un acte politique de première grandeur, elle a reculé, en admettant, à quelques semaines du grand sommet mondial sur l’environnement qui doit se tenir à Paris en décembre, qu’elle est incapable de donner l’exemple au reste du monde en matière d’environnement. Il ne faut pas oublier que beaucoup de voitures Diesel sont vendues depuis des lustres avec un label certifiant leur contribution à la protection de l’environnement, ce qui est le comble de l’escroquerie. L’industrie ayant menti comme un arracheur de dents, l’Union européenne vient d’accorder une prime à ce mensonge planétaire en se résignant à subir la pollution pendant quatre annéess supplémentaires.

Richard Liscia

Source : Le Quotidien du Médecin: 9446