L’hésitation vaccinale des soignants guyanais est en partie marquée par « le contexte post-colonial », relève SPF

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Publié le 15/02/2022
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Crédit photo : AFP

Si le niveau d’hésitation vaccinale parmi les professionnels de santé est similaire en métropole et en Guyane, certains ressorts de la défiance guyanaise apparaissent spécifiques à ce territoire ultramarin marqué par le passif colonial.

Dans le dernier Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH), une étude de Santé publique France menée dans le territoire ultra-marin met en évidence une méfiance plus marquée des soignants nés en Guyane et aux Antilles (19,9 % de l'effectif total) vis-à-vis de la vaccination en général et contre le Covid-19, qui « pourrait s’inscrire dans une ambivalence générale envers des vaccins développés aux États-Unis et choisis pour la Guyane par la France, avec des attitudes négatives ancrées dans l’histoire des siècles passés ».

Pour comprendre les mécanismes à l’œuvre, un questionnaire a été soumis en ligne aux professionnels de santé guyanais du 22 janvier au 26 mars 2021. À cette période, la Guyane, proche du Brésil, traverse sa 3e vague liée au variant Gamma. « Dès mi-février 2021, en Guyane, les indications du vaccin de Pfizer, choisi en raison de son efficacité supposée meilleure sur le variant Gamma que celle du vaccin d’AstraZeneca, ont été étendues à l’ensemble du personnel soignant », mettent en contexte les auteurs, rappelant également que, fin février, seuls 16,4 % des soignants et 1,3 % des habitants de Guyane étaient vaccinés contre le Covid-19.

Une intention vaccinale des soignants « similaire » à celle de métropole

Au total, 579 soignants, hospitaliers (54 %) ou libéraux (22 %), ont participé à l’étude, dont 220 médecins (40,4 % des effectifs de Guyane) et 200 infirmiers (10,8 %). Si 30 % d’entre eux affichaient une réticence envers certaines vaccinations (grippe, papillomavirus et hépatite B), la plupart (90 %) se disaient favorables à la vaccination en général. Une majorité avait également été confrontée dans leur pratique à des cas graves de Covid-19. Et ils étaient 14,3 % à se déclarer à risque de forme sévère et 19 % à avoir des antécédents d’une infection au Sars-CoV-2.

Au total, 64,4 % des répondants ont déclaré vouloir se faire vacciner ou avoir déjà été vaccinés contre le Covid-19, tandis que 24,3 % disaient ne pas vouloir se faire vacciner et 11,2 % étaient incertains. Le taux d’intention vaccinale des soignants début 2021 était ainsi « similaire à celui observé en France métropolitaine en octobre 2020 (68 %) et octobre-novembre 2020 (75 %) », est-il relevé d'après deux enquêtes différentes. De même, la plus grande hésitation vaccinale observée chez les femmes (30,3 %) et les infirmiers (35,5 %) ou les autres professions non médicales (35,6 %) se retrouve en métropole et dans la littérature.

Plusieurs facteurs étaient associés à une « meilleure intention vaccinale » : l’âge avancé (75,7 % d’opinion favorable si âgé de 50-64 ans), le niveau d’inquiétude par rapport au Covid-19 (75 %), la confiance dans la gestion de l’épidémie (84,7 %) et le fait d’avoir été vacciné contre la grippe l’année précédente (90 %). Chez les hésitants, l’attente porte sur « une meilleure garantie d’efficacité et d’absence d’effet indésirables du vaccin » (42,7 %), est-il noté.

À l’inverse, le fait d’être originaire des Antilles ou de la Guyane (48,9 % d’opinions défavorables), de ne pas avoir confiance dans les laboratoires pharmaceutiques (74,5 %) ou dans la gestion de l’épidémie par les autorités (76,9 %) étaient associés à une plus grande défiance vis-à-vis de la vaccination.

Adapter le message au contexte

Cette défiance spécifique des soignants nés en Guyane et aux Antilles est « une préoccupation majeure de santé publique », alertent les auteurs, insistant sur une « méfiance à l’égard des autorités et de la science », en partie alimentée par « le contexte post-colonial, encore très présent dans les territoires français d’outre-mer ».

Ces « éléments de contexte » sont à prendre en compte dans l’élaboration d’une campagne de vaccination, cette dernière devant « impliquer la population pour qu’elle ne soit pas perçue comme une application passive de décisions décidées en métropole », est-il préconisé. De même, l’information sur les vaccins doit être adressée dans différentes langues à l’ensemble des professionnels, pas seulement les médecins ; et les messages de santé publique sur la sécurité des vaccins « devraient être adaptés pour répondre aux préoccupations ».


Source : lequotidiendumedecin.fr