Prise en charge du transsexualisme

L’IGAS tente de déminer un dialogue devenu difficile

Publié le 23/05/2012
Article réservé aux abonnés

LE RAPPORT de la Haute Autorité de santé (HAS) sur le transsexualisme en novembre 2009 a été accueilli comme un progrès. Le retrait le 8 février 2010 des troubles précoces de l’identité de genre de l’ALD 23 (affections psychiatriques de longue durée) est une application directe des conclusions de la HAS. Dans la foulée, la Direction générale de l’offre de soins devait piloter des travaux destinés à mettre en place une « offre structurée en réseau autour de centres de références multidisciplinaires », et un parcours de soin-type. À peine deux réunions plus tard, les travaux ont été interrompus « sur le constat d’un dialogue impossible entre représentants désignés par les associations et par les médecins », explique aujourd’hui l’IGAS à qui les autorités ont alors confié le dossier. « Face à l’impossibilité de poursuivre la discussion et au blocage de la situation, le ministre de la Santé a saisi l’Inspection générale des affaires sociales, tant pour jouer un rôle de "tiers pacificateur" que pour proposer, sur la base d’un diagnostic établi sur les champs sanitaire, administratif et social, les orientations susceptibles d’améliorer la prise en charge médico- chirurgicale, en particulier l’opportunité de créer un centre de référence », précise l’instance interministérielle.

L’évaluation en question.

Dans son rapport, l’IGAS fait aussi le constat de difficultés parlant même de « champ de mines ». Pour mieux comprendre les attentes des associations et des personnes concernées d’une part, des médecins, hospitaliers et libéraux d’autre part, la mission a pris soin de rencontrer toutes les associations, tous les professionnels de santé qu’elle a pu identifier et les institutions concernées.

« Le changement d’ALD intervenue au printemps 2010 a été présenté à tort comme le début de la "dé-psychiatrisation" du transsexualisme », précise l’IGAS. Les troubles de l’identité de genre continuent de relever de la DSM 4 et de la CIM10 et l’évaluation est réalisée par un psychiatre, même si les certificats sont cosignés par des endocrinologues et des chirurgiens et la tarification hospitalière continue de classer les chirurgies de réassignation sexuelle parmi les « affections psychiatriques nécessitant une intervention chirurgicale ».

La dépsychiatrisation est l’une des revendications de certaines associations de trans. « L’évaluation du transsexualisme par les psychiatres est la question la plus polémique, contestée dans son principe même par certains acteurs, dans ses modalités par d’autres », relève l’IGAS. L’accès au traitement hormonal et à la chirurgie est en effet suspendu au résultat de cette évaluation. Pour les personnes souhaitant aller jusqu’à la réassignation, et bénéficier de la prise en charge par l’assurance-maladie, cette évaluation ne peut actuellement être menée que par les psychiatres de certaines équipes hospitalières.

La mission ne conteste pas le principe même de cette évaluation, reconnue nécessaire par les instances internationales et pratiquée dans de nombreux pays. Elle considère en revanche que ses modalités actuelles ne permettent pas de garantir le respect des droits de la personne et propose par conséquent d’en encadrer davantage certains aspects.

Respect des droits.

Une de ses premières recommandations est la conduite d’un « processus de dialogue et de concertation avec les acteurs concernés, sans exclusive ». La conciliation des attentes légitimes des personnes et des conditions d’exercice de la médecine tout au long de la transition « est un exercice difficile mais possible ». Les pouvoirs publics « vont devoir composer avec des associations parfois virulentes et avec des médecins parfois peu enclins à discuter de leurs pratiques », prévient toutefois l’IGAS.

Le respect des droits de la personne qui devra être garanti pendant l’évaluation et concerne tous les aspects de cette évaluation : élargissement du cercle des praticiens susceptibles de la réaliser sur la base d’une liste d’aptitude, encadrement des délais, formalisation de la réponse, conçue comme une absence de contre-indication, possibilité organisée de faire appel à un deuxième avis et d’engager un recours devant une instance collégiale en cas de refus d’accès à la transition.

La mission recommande également de concentrer la chirurgie de réassignation dans deux centres d’excellence au sein desquels la pluridisciplinarité doit être préservée. Le rapport propose des critères de sélection, notamment la prise en compte des niveaux d’activité actuels et la tendance depuis cinq ans, la composition des équipes chirurgicales et la capacité à réunir l’ensemble des spécialités concernées. Pour répondre à la revendication des associations d’un libre choix de médecins, la mission préconise l’organisation de réseaux de psychiatres habilités à réaliser l’évaluation et d’endocrinologues formés aux traitements du transsexualisme.

Concernant la reconnaissance juridique du transsexualisme et la « question cruciale du changement d’état civil », la mission assure qu’elle doit être traitée dans un cadre bien plus vaste que celui d’une mission de l’IGAS. Toutefois, dans l’intervalle, toutes les mesures administratives qui pourraient faciliter la vie des personnes trans devront être considérées « très sérieusement ». Elle recommande enfin que l’identité de genre soit parmi les sujets étudiés par le Défenseur des droits.

 Dr LYDIA ARCHIMÈDE

Source : Le Quotidien du Médecin: 9130