LE QUOTIDIEN DES LECTEURS

L’irrationalisme d’un décret

Publié le 02/12/2011
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Les Molières (91)

Dr Jean Hvostoff

Si j’ai bien compris, le gouvernement a décidé par décret (1) que le point de l’ASV (régime Allocation supplémentaire vieillesse) du médecin conventionné doit être diminué (sachant par ailleurs que la valeur de ce point n’a pas changé depuis 1999).

L’ASV, dont la cotisation est obligatoire pour le médecin conventionné et qui représente 39 % de sa retraite, résulte d’un contrat passé entre l’État, la Sécurité sociale et les médecins afin que les médecins qui choisissent d’appliquer les tarifs imposés par l’État et la Sécurité sociale bénéficient d’une retraite méritée.

Pour exprimer sa reconnaissance, envers ces médecins qui respectent le contrat, le gouvernement décide, sans concertation et unilatéralement de diminuer leur retraite, qui plus est de manière tout à fait inégalitaire entre les retraités d’avant le 1er janvier 2011 et ceux d’après.

Les médecins qui sont à la retraite avant le 1er janvier 2011 vont voir la valeur de leur point baisser progressivement, sur 3 ans, à parti du second semestre 2012, de 15,55 euros pour se stabiliser à 14 euros en 2015, tandis que ceux qui prennent leur retraite à partir du 1er janvier 2011, ou qui vont la prendre, vont voir baisser brutalement la valeur de ce point à partir du second semestre 2012, de 15,55 euros à 13 euros.

Cette inégalité dans la retraite des médecins conventionnés est-elle voulue par le gouvernement ? Doit-on accuser d’inconséquence les têtes pensantes qui ont imaginé les termes de ce décret ? Les syndicats médicaux vont-ils réagir ou s’abstenir de peur de perdre leur triple A gouvernemental ? Quelle va être la position du Conseil de l’Ordre des Médecins ? Quelle est la position de l’UMP et du PS à quelques mois des élections ?

Mais peut-être ne sais-je pas lire et tous les médecins auront en 2015 leur point ASV à 15,55 euros ou au pire à 14 euros pour être solidaire à la baisse de retraite que vont s’imposer les ministres et les parlementaires (sénateurs et députés) pour la France ?

(1) Décret n° 2011-1644 du 25 novembre 2011 relatif au régime des prestations complémentaires de vieillesse des médecins libéraux prévu à l’article L.645-1 du code de la Sécurité sociale, JORF du 26 novembre 2011, page 19984 texte n° 2.

Lettre ouverte à Xavier Bertrand et Gérard Maudrux

Fontaines-sur-Saône (69)

Dr Gérald Weistroff

Monsieur le Ministre, Monsieur le Président,

L’émoi que vous cherchiez à provoquer ne s’est pas fait attendre. Il est normal qu’en attentant au portefeuille des individus, les réactions deviennent épidermiques. Permettez-moi de vous reprocher cette attitude d’abandon même si elle n’est que tactique.

Pour ma part, ayant exercé en secteur II, je considère – et corrigez-moi si je me trompe – avoir payé seul mes cotisations sans que la Sécurité sociale ne participe à mes versements et donc au paiement de mes indemnités de retraite. Comme je versais à la CARMF, mon interlocuteur c’est vous, son président. Je constate donc que, sous prétexte de n’avoir pu convaincre le gouvernement, vous envisagez de vous désengager. À qui donc m’adresser maintenant ? À un avocat pour entamer un recours contre ce que je ressens, à moins d’entendre d’autres explications convaincantes, comme un hold-up sur une retraite dont je vous avais accordé la gestion en totale confiance. Est-ce une escroquerie et combien de fois allons nous devoir subir, sans aucun soutien de la population et même de la profession, ce type d’opération qui est pour moi une magouille, un rafistolage ?

Choisir le secteur II, c’est pour une majorité de Français et de médecins faire le choix de l’argent… À la retraite depuis peu, je peux témoigner de la pertinence de mon choix : j’ai exercé dans un cadre que j’ai aimé, une profession que j’ai aimée avec une patientèle que j’ai aimée. J’ai pris le temps de converser avec des patients déprimés, avec des patients atteints de cancer et j’ai pris en charge ceux atteints de pathologies lourdes sans avoir de « contrat d’objectifs ». Je les ai orientés chez des spécialistes que j’avais sélectionnés. Ils m’accordaient leur confiance, je leur donnais le meilleur de ce qui était possible. J’ai eu du temps à consacrer à des patients atteints de polypathologies et j’ai eu la possibilité de faire une médecine à la fois humaine et efficace au service des malades.

Oui, je me permets de dire aux syndicats que je n’ai rien vu faire pendant 40 ans d’exercice, sinon signer des conventions pour faire de la médecine à 100 roubles et garder une place immuable : combien de médecins en sont réduits à faire la course aux actes, à trier les malades pour les diriger vers des spécialistes alors qu’ils ne les ont même pas examinés et presque pas écoutés ? Un urologue de mes amis me disait : « Maintenant, on m’adresse des malades avec un mot laconique – "Je vous adresse M… pour sa prostate" – alors que quand vous m’adressiez un malade, vous aviez fait un TR, une analyse d’urine et si nécessaire une échographie. » Les syndicats sont-ils fiers de la médecine générale à 23 euros ? Sont-ils fiers d’avoir remporté la grande victoire du tarif de la consultation au prix d’une coupe de cheveux, et tout ça pour Bac + 8 et responsabilité x 1 000 ? Facile et populiste de critiquer le secteur II. Nous n’avons pas les mêmes valeurs…

Je n’ai donc que faire des jaloux et des moqueurs : je vous demande à tous, État, CARMF, le respect de vos engagements. Je m’estime spolié au nom d’une excuse de partage citoyen en temps de crise, que je n’accepte pas : quand je faisais 60 heures par semaine et que ma famille et ma santé en ont souffert, je n’ai pas demandé réparation à la société. Respectez-nous, respectez votre parole, Monsieur le Ministre, Monsieur le président de la CARMF, Messieurs les Syndicalistes si vous le pouvez, et dites-moi qui, en France, aujourd’hui, accepte sans broncher une réduction de son point de retraite de 15 %, sans avoir profité un jour de l’intervention du système (comme le paiement des cotisations par la Sécurité sociale pour le secteur I).

Je vous invite tous à plus d’honnêteté et de respect pour ceux qui ont honnêtement rempli leur contrat, valeurs que vous devriez tous comprendre, d’autant plus que nous sommes en période préélectorale.

Je vous prie de croire, Messieurs, à l’expression de mes sentiments distingués.

La soviétisation de la médecine continue

Saint-Quentin (02)

Dr Abel Pruvost

Ainsi, une cinquantaine de députés de la majorité veulent supprimer la dernière liberté dont disposent les médecins libéraux : la liberté d’installation !

Ils n’ont pas encore compris que les mesures coercitives ne marchent pas – sinon, cela se saurait – et qu’au contraire, ces mesures vont aggraver le problème de la désertification médicale.

Les propositions de Philippe Vigier démontrent qu’il n’est pas un vrai démocrate mais un liberticide.

Soumettons un nouveau texte de résolution !

Le Tampon (97)

Dr Jean Dorémieux

Après que, à la fin du mois d’octobre, une centaine de députés de la majorité ont déposé une proposition de résolution pour lutter contre les déserts médicaux (« le Quotidien » du 24 octobre), je défends ce nouveau texte de résolution :

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 34-1 de la Constitution,

Vu l’article 136 du Règlement,

Vu le Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, par lequel la Nation garantit à toute personne le droit fondamental à la protection de la santé,

Vu l’article L.1110-1 du code de la santé publique qui garantit l’égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé et la continuité des soins en toutes circonstances,

Vu l’article L.110-3 du même code qui rappelle qu’aucune personne ne peut faire l’objet de discriminations dans l’accès à la prévention ou aux soins,

1. Réaffirme son attachement aux principes d’égal et de libre accès aux soins, garantis aux usagers par le système de protection sociale mis en place en 1945 et fondé sur la solidarité.

2. Réaffirme que le premier droit de la personne malade est de pouvoir accéder aux soins que son état nécessite, quels que soient ses revenus et son lieu de résidence et que, par conséquent, chaque Français doit pouvoir bénéficier d’un accès à des soins adaptés à ses besoins.

3. Décide que l’assurance-maladie prendra désormais en charge, en tiers payant versé trimestriellement, tous les actes de certains praticiens installés loin de toutes les ressources de leurs confrères mieux positionnés dans le recours aux spécialistes, et aux hôpitaux. Cette prise en charge concerne les actes des professionnels de santé, même s’ils sont cumulés en seule journée, réalisés par des praticiens ayant acquis des pratiques suffisantes par des formations complémentaires en échographie, en radiologie, en électrocardiographie, en biologie, en gynécologie obstétricale, etc. et ainsi à employer tous les moyens à leur disposition y compris par des achats de matériels afin de mettre en œuvre concrètement cette décision prise au bénéfice de toute personne résidant en ces zones victimes de la désertification rurale, périurbaine ou ultra-marine.

4. Estime que la lutte contre la désertification médicale doit aboutir à un accès de tous les assurés à des soins de qualité et de proximité et estime que les pouvoirs publics doivent s’engager auprès de l’assurance-maladie à favoriser les conditions matérielles, financières et réglementaires permettant de mettre en œuvre ces nouvelles dispositions.


Source : Le Quotidien du Médecin: 9052