LE QUOTIDIEN - 100 pages, 34 recommandations, le rapport est un vrai pavé. Il y a tant de choses à changer ?
Dr Gilles Lazimi - Oui, il existe de réels problèmes. Beaucoup de chemin reste à parcourir pour libérer l’accès à l’avortement.
Le rapport souligne la nécessité de lever « certains obstacles » afin de faciliter l’accès à l’IVG. Quels sont-ils ?
Il s’agit avant tout d’obstacles sociétaux. En tant que médecins, nous en sommes en partie responsables. Changer la loi et le code de la Santé Publique* permettrait de changer les consciences et le discours qui s’y rapporte. Trop de femmes se sentent encore coupables d’avorter. L’IVG n’est pas un problème, c’est une solution ! Ce sont les médecins qui sont inquiets pour les femmes, plus qu’elles ne le sont pour elles.
Les médecins sont-ils moins volontaires à la pratique de l’IVG ?
Plus de 130 centres de santé pratiquant l’IVG ont fermé ces 10 dernières années. Et les médecins motivés sont de moins en moins nombreux. La formation des étudiants en médecine y est peut-être pour quelque chose. On y insiste sur la législation et les complications plutôt que sur la pratique. C’est aberrant. L’IVG est un geste médical banal, qui ne gêne même pas la natalité en France, une des plus hautes d’Europe !
Vous demandez la suppression de la clause de conscience** ?
Il n’y a aucune raison que ce geste bénéficie d’une clause de conscience spécifique. C’est un geste médical comme un autre. La possibilité de recourir à la « clause de conscience » est d’ailleurs déjà accordée à tous les soignants pour l’ensemble des actes médicaux. Le risque est que certains médecins s’abritent derrière cette clause et rechignent à accompagner les patientes demandeuses. Il est du devoir de tout médecin d’accueillir, d’orienter, d’informer et d’accompagner toute femme désireuse de faire une IVG. Fournir la bonne information, remplir l’attestation, faire les examens nécessaires, est le minimum nécessaire pour éviter toute perte de chances. Clause de conscience ou pas.
La suppression du délai de réflexion de 7 jours ne suscite pas l’adhésion de tous. Même la ministre Najat Vallaud-Belkacem se dit « réservée »...
Ce délai de réflexion de 7 jours a été autorisé il y a 40 ans, au moment de la légalisation de l’avortement. Depuis, l’IVG a fait son chemin. Et on se rend compte aujourd’hui en clinique que 90 % des femmes qui viennent demander une IVG sont déjà décidées. En imposant cette période de réflexion, certaines femmes prennent le risque de dépasser le délai.
En faisant de l’IVG « un acte médical comme un autre » n’y a-t-il pas un risque de le banaliser ?
Ce n’est pas une banalisation, c’est une réalité de la vie. Tandis que les femmes demandeuses d’IVG sont à 60 % sous contraception, on se dit que l’accès à l’avortement est un droit. Contrairement aux idées reçues, les demandes d’IVG n’ont pas bougé depuis 30 ans *** - environ 200 000 par an - tandis que la population française a, elle, continué à croître. Le fantasme est donc loin de la réalité.
*La recommandation 1 propose de supprimer la notion de « détresse » dans l’article L2212-1 du Code de la Santé publique autorisant l’avortement
** La recommandation 3 préconise de supprimer l’article L.2212-8 du CSP stipulant qu’un médecin n’est jamais tenu de pratiquer une IVG.
*** Nathalie Bajos et al. Pourquoi le nombre d’avortements n’a-t-il pas baissé en France depuis 30 ans, Populations et société, décembre 2004
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